Édito : La Nuit

Lune rousse ©Guy Rey-Bellet

« Si par une nuit d’hiver un voyageur, s’éloignant de Malbork, penché au bord de la côte escarpée,

sans craindre le vertige et le vent, regarde en bas dans l’épaisseur des ombres, dans un réseau de lignes entrelacées, dans un réseau de lignes entrecroisées sur le tapis de feuilles éclairées par la Lune, autour d’une fosse vide

— Quelle histoire attend là-bas sa fin ? »

Comme pour le voyageur d’Italo Calvino, la nuit est un lieu d’émancipation. Les questions s’affolent, désordonnées, dans l’obscurité qui envahit l’espace. La conscience sommeille, l’inconscient fleurit. Pourquoi la nuit est-elle noire ? La belle de nuit est-elle vraiment superbe ? Qui sont les enfants de la Lune ? La poésie nocturne des villes reviendra-t-elle jamais ? Du Japon à l’Egypte, quelle est l’origine des ténèbres ?

Le monde qui se lève au crépuscule demeure inconnu. Longtemps mystifiée par les êtres humains, l’obscurité effraie parce qu’elle rend aveugle. Elle amplifie les autres sensations : un craquement dans les ténèbres et le sang gèle dans les veines. Pour chasser les créatures qui la peuplent, l’humanité a érodé la nuit.  Partout les étincelles de son activité s’allument, un maillage de cicatrices jaunes, visibles depuis l’espace, encage la planète. 

D’ici, avec un peu de recul, nous serions peut-être capables de comprendre la merveille de la nuit. D’apprécier le cycle inexorable du temps qui suit la rotation terrestre, d’écouter les aiguilles de notre horloge biologique. Et de comprendre que, même en absence de lumière, la vie se poursuit, la pensée ne s’arrête pas. Il suffit d’ouvrir son esprit et de reconnaître les couleurs qui peignent les ténèbres.  

Et toi, avide lecteur, qui tiens entre tes mains ce fin ouvrage, le regard capturé, es-tu capable de revoir les étoiles ? Connais-tu les histoires qui t’attendent ? 

Daniel Peyronel


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