Comment se comportent nos cycles de sommeil en l’absence de cycles jour/nuit ? A quel point notre évaluation de l’écoulement du temps serait-elle affectée par une nuit perpétuelle ? Les réponses à ces questions n’existent pas encore lorsque Michel Siffre, jeune géologue de 23 ans, descend dans le gouffre de Scarasson le 16 juillet 1962. Il y restera 2 mois, seul, ne communiquant avec l’extérieur que pour livrer ses heures de lever, de coucher, et de repas par un câble téléphonique.
Au-delà de la souffrance psychologique qu’il raconte dans son livre Hors du temps, il en tire des résultats qui donneront naissance à un tout nouveau champ de recherche : la chronobiologie. A défaut de pouvoir mesurer les durées, ne possédant aucune montre au fond de la grotte, il mettra en évidence l’existence de notre horloge interne.
Pendant ces 2 mois, il tente de compter les jours en fonction de ses cycles de sommeil, son seul repère étant sa fatigue. L’expérience prend fin le 17 septembre. Affaibli physiquement, il est persuadé que le CRS de garde lui ment, dans le but de le faire sortir plus tôt. Le fort décalage de son temps psychologique avait entravé ses estimations : il pensait être le 20 août. Il est alors frappé de découvrir que le temps qu’il évaluait s’écoulait près de deux fois moins vite que le temps mesuré par une montre.
Cette folle expérience donnera suite à d’autres, nombreuses. La NASA y trouve un intérêt, les astronautes étant confrontés à de forts dérèglements de leurs cycles jour/nuit, dans une époque où la course aux étoiles bat son plein. Alors qu’aujourd’hui le battement déséquilibré de notre horloge biologique tend en faveur de journées prolongées, l’étude de son impact sur notre corps est bien née des ténèbres, au fond d’un gouffre sans heure.
Marion Barbé