Saros : le Nostradamus lunaire

©Maicol Narea

Aujourd’hui, il est possible de prévoir l’occurrence d’une éclipse à la seconde près, ainsi que le lieu le plus propice pour l’observer. Mais si ces calculs aussi précis sont récents, l’observation du Soleil et de la Lune remonte, elle, à plusieurs millénaires. Chaldéens et Grecs étaient en effet déjà capables de prédire les éclipses, et ont pu prouver leur périodicité grâce au cycle de Saros.

Le Saros est un terme chaldéen qui correspond à une période de 6585,3 jours, soit un peu plus de 18 ans. Pendant un tel intervalle, on peut observer 42 éclipses solaires et 42 lunaires, toutes différentes et qui se répètent toujours dans le même ordre. En d’autres termes, un Saros correspond au temps nécessaire à une éclipse pour reprendre la même configuration. Pour déterminer la périodicité des éclipses, les astronomes antiques se sont servis des trois types de mois lunaires, d’une durée de 27 à 30 jours chacun : les mois synodique, anomalistique et draconitique. Le mois synodique correspond à la durée entre deux pleines lunes, tandis que le mois draconitique correspond au temps nécessaire à la Lune pour se replacer à l’intersection entre le Soleil et la Terre. Le mois anomalistique, quant à lui, correspond à la période entre deux périgées de la Lune, c’est-à-dire entre deux instants où elle est le plus proche possible de la Terre. 

Le Saros est tout simplement le plus petit multiple commun entre ces trois périodes : 18 ans, 11 jours et 8 heures, soit 223 mois synodiques, 239 mois anomalistiques ou encore 242 mois draconitiques. Ainsi, deux éclipses séparées d’un Saros auront des paramètres similaires : même distance avec la Terre, même période de l’année et même région dans le ciel. On dit qu’elles appartiennent à la « même série ».  Mais de multiples facteurs restent à prendre en compte. À cause de la rotation de la Terre par exemple, deux éclipses similaires ne se reproduiront pas au-dessus de la même zone géographique, mais 120° plus loin. Pour retrouver une même éclipse visible depuis la même région du globe, il faudra attendre trois Saros, soit plus de 54 ans. Ce facteur était déjà connu des Grecs, qui avaient donné à cette période le doux nom d’exeligmos. Ainsi, la prochaine éclipse solaire totale en Europe aura lieu en 2026, et ne se reproduira pas avant 2081 ! 

Jeanne Bourdier