Vieillir dans les sociétés modernes : valorisation ou discrimination ?

Femme âgée, yeux fermés, en noir et blanc. Par rawpixel.com. Licence Freepik / https://fr.freepik.com/photos-gratuite/portrait-noir-blanc-femme-agee-blanche-yeux-fermes_18920666.htm#page=1&query=vieillesse&position=29&from_view=search/ Par rawpixel.com. Licence Freepik / https://fr.freepik.com/photos-gratuite/portrait-noir-blanc-femme-agee-blanche-yeux-fermes_18920666.htm#page=1&query=vieillesse&position=29&from_view=search/

Si on vous dit « personne âgée » : que voyez-vous ? Un ancêtre flétri, marqué par le temps et reclus chez lui ? Un sage contant ses leçons de vie à qui l’écoute ? Cette vision que nous avons des vieilles personnes diffère en fonction de la culture considérée.

En occident, la discrimination envers les personnes âgées prédomine. Ce phénomène, nommé « âgisme », implique une vision stéréotypée et dépréciative de ces personnes, vues comme incapables, dépendantes et affaiblies. Selon Jérôme Pellissier, psycho-sociologue spécialisé en gérontologie, les plus jeunes jugent les personnes âgées inutiles et dépassées. Elles subissent donc un rejet de la part de la société occidentale qui les exile en maison de retraite. Le concept d’âgisme est fortement marqué par le sexisme. Les femmes âgées, qui ne répondent plus aux injonctions de beauté et de fécondité, sont doublement discriminées.


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Le sexisme se retrouve aussi dans les cultures asiatiques. On attribue pourtant souvent à ces sociétés une vision plus positive de la vieillesse. L’héritage du confucianisme empreint ces cultures de valeurs fondamentales comme le respect des anciens, de leur expérience de vie, et de leur sagesse. Cependant, de nombreuses études viennent réfuter cette idée. Le regard porté sur les aînés ne se révèle pas si différent entre cultures occidentales et asiatiques. 

Une explication plausible, proposée par Inglehart et Baker (2000), repose sur la théorie sociologique de la « modernisation » : l’intégration de nouvelles valeurs progressistes à nos sociétés isole les aînés et modifie leur position sociale. Ces changements socioculturels s’accompagnent également de changements démographiques importants, notamment le vieillissement rapide de certaines populations asiatiques. Ce phénomène, que l’on retrouve aussi dans les sociétés occidentales, mène à une augmentation de la proportion de personnes âgées dans les électeurs et consommateurs. Selon Gagnon, professeur en sociologie spécialisé dans la participation sociale des aînés, cela peut induire des inquiétudes de la part du reste de la société active, qui perçoit le groupe des retraités comme un poids, voire une menace au progrès.

Lucie Terral et Jeanne Buffet


Sources :

Berger, J. (2021). Femmes et vieillesse, la double invisibilité. Rtbf.be. Consulté le 07/10/2021 sur https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_femmes-et-vieillesse-la-double-invisibilite?id=10667363

Boduroglu, A., Yoon, C., Luo, T., & Park, D. C. (2006). Age-related stereotypes: A comparison of American and Chinese cultures. Gerontology, 52(5), 324-333.

Breton, D.L., (2013). Chapitre 7. Le vieillissement intolérable : le corps défait. Quadrige 6e éd., 209–223.

Chow, N., & Bai, X. (2011). Modernization and its impact on Chinese older people’s perception of their own image and status. International Social Work, 54(6), 800-815.

Devos, A. (2012). Les attitudes par rapport aux aînés en fonction des cultures. Analyses Énéo, 2012/06

Gagnon, E., (2019). Âgisme. Anthropen. https://doi.org/10.17184/eac.anthropen.089

Marchand, M., (2008). Regards sur la vieillesse. Le Journal des psychologues n° 256, 22–26. https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2008-3-page-22.htm

Pellissier, J., (2003). La nuit, tous les vieux sont gris: la société contre la vieillesse. Bibliophane-Daniel Radford.