D’aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours sentie vieille. Je ne saurais pas vraiment expliquer d’où vient cette impression, mais elle est bien là et assez omniprésente. Quand j’en discutais avec mes amis, ma famille, tous me regardaient du haut de mes 10, 12, 15 ou 22 ans avant de me rire joyeusement au nez.
Ironiquement, à ce sentiment se mêlait une peur panique, et presque irrationnelle d’être adulte, mais sans savoir vraiment en quoi cela consistait.
Si dans beaucoup de communautés, le passage à l’âge adulte est marqué de rites et coutumes, il me semble que la frontière entre « être petit » et « être grand » est beaucoup plus floue dans notre société. Certes, à 18 ans nous sommes majeurs. Oui on peut voter, acheter de l’alcool et fumer des cageots de cigarettes en toute légalité, mais est-ce que cela signifie que nous sommes adultes ? Laissez-moi en douter. Habiter seul alors ? Devoir s’occuper à notre tour d’un petit humain ? Avoir un salaire ? Payer ses factures ? Des impôts ? Être autonome dans sa pensée ? Pouvoir faire ce que l’on veut, où l’on veut et avec qui on veut ?
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Sommes-nous toujours qui nous étions dix ans auparavant, malgré le temps qui passe et les expériences qui nous transforment ? Une telle continuité nous paraît évidente, puisque nous nous nous souvenons de ce que nous avons vécu, de comment nous nous définissions, quand bien même cette identité a évolué depuis ou que nos actions de l’époque…
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On s’imagine souvent que « être adulte » est synonyme d’un gain, on gagne en maturité, en indépendance, en liberté, parfois même en légitimité. Mais si en fait être adulte était surtout synonyme de perte. Ne vous méprenez pas, je ne parle pas ici d’une perte d’innocence ou de naïveté, celles-là je compte bien les garder. Ce qui me fait le plus flipper, c’est de perdre mon imagination, de ne plus arriver à me raconter des histoires avant de m’endormir, de ne plus parvenir me projeter à tout moment dans des mondes merveilleux peuplés de mystérieuses créatures et de scénarios tous plus barrés les uns que les autres. De perdre mes amis imaginaires, et de ne plus pouvoir observer ces petits gnomes qui se promènent un peu partout.
Malheureusement sur ce point j’ai bien du mal à être optimiste. Déjà tous ces mondes sont de moins en moins palpables et je devrais surement à un moment ou à un autre laisser partir ces petits gnomes. Peut être que c’est ça finalement être adulte, se rendre compte qu’on n’a pas vraiment le choix et se lever un beau matin en ce faisant cette réflexion « putain, je crois qu’en fait je suis déjà adulte depuis un sacré moment et je m’en suis même pas rendu compte », cette idée me terrifie …
Enfin, j’ai quand même rédigé ce billet d’humeur avec une petite semaine de retard, ne pas respecter les deadlines, ce n’est pas vraiment adulte non ? Ouf ! Me voilà sauvée.
Sybille Buloup