Kardashev, Sagan et Kaku sont dans un bateau

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Vous êtes vous déjà demandé si nous étions seuls dans l’Univers ? Nicolaï Kardashev aussi, et en classant les civilisations par leur consommation énergétique il a tenté d’apporter sa réponse à la question.

Quand on sait à quel point l’Univers est vaste (2000 milliards de galaxies regroupant 20’000 milliards de milliards d’étoiles), c’est une question tout à fait légitime. Encore plus après réception des données du télescope Kepler, qui calcule qu’il n’y aurait pas moins de 9 milliards de planètes aux conditions semblables à celle de la Terre dans la Voie lactée seulement ! Ces planètes pourraient donc potentiellement abriter de l’eau liquide, et par extrapolation la vie.

Difficile de réaliser pleinement le changement de perspective que produirait sur notre humanité la réalisation que nous ne sommes pas seuls dans l’univers. La question reste : comment savoir dans cette immensité dans quelle direction chercher nos futurs voisins ?

C’est là qu’intervient le travail de Nicolaï Kardashev, un astrophysicien soviétique mort l’année passée. En créant une échelle de classification des civilisations, il a grandement influencé les programmes SETI (acronyme pour Search for Extra-Terrestrial Intelligence) mondiaux.

Comme graduation pour classifier les sociétés, Kardashev se base sur la consommation énergétique des civilisations. Il part du postulat que la demande énergétique de notre humanité croît de manière exponentielle, et se base sur le modèle terrestre pour extrapoler sa classification.

Dans son échelle, trois catégories : une civilisation de catégorie I sait utiliser toute l’énergie de sa planète d’origine. Une civilisation de catégorie II peut consommer directement l’énergie d’une étoile, tandis qu’au niveau III, la civilisation peut capter et utiliser l’énergie émise par sa galaxie.

Cette échelle ne fait pas forcément consensus dans le monde de l’astrophysique, et a été de nombreuses fois discutée. Certains ont même proposé des échelles alternatives, ou des affinements. Par exemple, Carl Sagan, un scientifique et astronome américain, crée des paliers intermédiaires et en profite au passage pour placer l’humanité au palier 0.7. Selon lui, nous venons tout juste d’acquérir la capacité de nous auto-détruire, ce qu’il appelle poétiquement l’ « adolescence technologique ». Il y accole également une échelle lettrée qui qualifierait notre avancement sociétal, avec pour unité les bits d’information : nous serions alors classé 0.7H. De quoi nous accorder les encouragements du jury !

Michio Kaku, physicien américain, voit plus grand encore. Il ajoute un palier à l’échelle de Kardashev, le palier IV, qui qualifie les civilisations capables d’utiliser l’énergie contenue dans les rayonnements extragalactiques et celle contenue dans plusieurs galaxies différentes. Il conteste aussi l’idée de classer les sociétés par leur consommation énergétique, et conceptualise l’idée d’une « économie du savoir ».

Loin de faire consensus, la classification de Kardashev fait l’objet d’un certain nombre de critiques. En effet, conçue dans le contexte de la guerre froide où la course à l’énergie faisait fureur, classifier l’évolution d’une civilisation par sa croissance énergétique faisait plus de sens alors qu’aujourd’hui. De plus, l’hypothèse d’une consommation d’énergie augmentant de manière exponentielle est aussi contestée. Certaines observations qualifieraient la croissance de la Terre comme suivant plutôt un modèle logistique, et donc une croissance stable et/ou limitée.

Un point supplémentaire est directement lié à notre comportement en tant qu’humanité. Notre manque de discernement flagrant quant à nos ressources nous amène tout droit vers une crise climatique sans précédent, avec une rarification et un épuisement des ressources graves. Et qui dit absence de ressources dit également forte décroissance, un écueil oublié par Kardashev. De plus, l’agressivité de l’homme est souvent pointée du doigt comme étant un obstacle majeur à l’avancement de notre société. En somme, nombreux sont les obstacles sur la route de notre expansion !

L’exercice de pensée que représente l’échelle de Kardashev nous permet quand même d’arriver à des conclusions intéressantes. Si notre conception de la vie extraterrestre est un tant soit peu soutenue, cela veut dire que nous pouvons être quasiment certains qu’aucune civilisation de type III ou supérieur ne nous attend au détour de la Voie Lactée. Nous ne pourrions pas passer à côté de leur activité, leur technologie, leur influence – ou de leurs ruines. Cela restreint l’hypothèse de nous découvrir de nouveaux voisins aux civilisations de type 1.5 à 2.5.

De notre côté, que nous manque-t-il pour arriver au prochain niveau ? Nous avons déjà créé d’immenses mégalopoles, modifié la surface de notre planète de manière substantielle, changé la composition de notre atmosphère. Sommes-nous loin d’atteindre le premier palier ?

Il ne nous manque que très peu de choses au final, rien que la maîtrise du voyage spatial, de la communication interplanétaire, de l’ingénierie stellaire et climatique. Rien d’impossible d’ici quelques centaines d’années… Alors, à nos cerveaux !

clara m.

Sources :

  • La Recherche, avril 2019