Arborant fièrement sa doudoune rose, Alice explique du haut de ses 23 ans qu’elle a réussi à « défendre sa place » parmi les pompiers volontaires du Val d’Oise en devenant Sapeur Seconde Classe. En septembre 2020, elle dépose sa lettre de candidature. Le lendemain, la jeune femme reçoit un coup de fil. Après plusieurs entretiens médicaux et de motivation, elle commence sa formation et intègre officiellement la caserne de sa commune en novembre 2020. En temps normal, elle apprend à comparer les mutations génétiques au sein d’un magistère de l’Université de Paris. Mais dès qu’elle le peut, l’étudiante rejoint les soixante sapeurs-pompiers de Méry-sur-Oise.
Pompier est un métier à risque. Chargés de leurs bouteilles d’oxygène, les sapeurs doivent braver le feu. N’ayant pas pu passer la formation incendie suite à une opération de l’œsophage, Alice est confrontée au danger différemment. Lors d’un dimanche ensoleillé, son bip sonne, elle s’attend à être appelée pour des « bobologies récurrentes » ou des douleurs thoraciques. Mais l’intervention concerne un cycliste au visage explosé après avoir percuté l’aileron d’une voiture à l’arrêt. Pour sauver la victime, l’étudiante doit maintenir sa tête le temps que le secouriste lui fasse les premiers soins. Elle le décrit comme « vraiment amoché, la mâchoire pendante, avec beaucoup de muscles et de nerfs sectionnés ». Située au-dessus du trentenaire, elle voit sa langue pendant qu’il parle. Malgré la situation « immonde » la pompière garde la tête froide et ne se laisse pas déconcentrer par les sur-accidents que la chute du cycliste a créé. Ce jour-là, son équipe doit gérer également le malaise du père de la victime et un accident de voiture provoqué par des curieux. Après l’intervention, la sapeure n’a pas mangé pendant une semaine.
« Une personne violente peut faire n’importe quoi ! »
Ce n’est pas en pleine intervention qu’Alice a eu « peur pour sa vie ». Un jour de garde, vers minuit, on appelle les sept membres de son équipe pour une alerte incendie. Il n’y a que six places dans le camion et elle n’est pas habilitée à gérer le feu. La jeune sapeure se charge de faciliter le trajet du camion, débloque les feux rouges depuis l’ordinateur et ferme la caserne. Tandis qu’elle descend la première porte de la remise elle se retrouve nez-à-nez avec « un mec nu, hurlant en caleçon avec un aspect sale » fonçant droit sur elle. La pompière comprend rapidement que c’est l’homme dont la maison brûle cinq cents mètres plus loin. Paniquée, elle fait sortir l’intrus car une « personne violente peut faire n’importe quoi ». Prise en charge par un collègue qui n’était pas de service et logeant à l’étage, elle fond en larmes. Remise de ses émotions, elle s’excuse auprès de la victime et lui propose des vêtements. Après cet évènement, Alice confie ses difficultés à se retrouver seule dans la caserne et ressent le besoin d’aller voir les psychologues proposés aux pompiers.
Malgré ce traumatisme, la jeune femme est fière de se « dévouer pour les autres » et compte bien rester dans le corps des pompiers.
Marie Vidalenc