Cent mille milliards de microbes, pesant pas moins de deux kilogrammes, abritent notre appareil digestif. C’est plus que nos propres cellules et plus lourd que notre cerveau. Ces bactéries, virus et champignons non pathogènes font partie de notre microbiote intestinal et constituent un écosystème d’une grande diversité. L’équilibre de cet écosystème est essentiel à notre santé. En plus de sa fonction métabolique, le microbiote influencerait le fonctionnement cérébral par son interaction dans l’axe intestin-cerveau.
Notre microbiote intestinal joue un rôle important dans la digestion et le métabolisme, ainsi que dans les systèmes immunitaire et neurologique. Il est impliqué dans tous les processus de notre corps et fonctionne comme un deuxième cerveau. Au sein de ce microbiote, certaines bactéries, les probiotiques, ont un effet positif sur notre santé. Elles libèrent des molécules dans notre sang qui agissent comme messagers chimiques dans d’autres parties de notre corps, dont le cerveau. Des chercheurs du département américain, de l’Énergie, équivalent du ministère de la Transition écologique et solidaire en France, ont été parmi les premiers à étudier les liens entre génétique, microbiote et mémoire. Ils ont identifié plusieurs familles de probiotiques améliorant notre mémoire, et pouvant ainsi aider les personnes atteintes de maladies neurodégénératives. Au-delà de leur fonction protectrice, certaines bactéries peuvent se révéler nocives et sont impliquées dans de nombreuses maladies modernes, telles que l’obésité, le diabète, les allergies mais aussi la dépression et l’autisme. Alors, est-il possible de prévenir de telles maladies en agissant sur notre microbiome ?
On a toujours pensé que les maladies neurodégénératives, telles que la maladie d’Alzheimer, avaient pour origine le cerveau. Pourtant, des études récentes montrent qu’elles découlent d’un déséquilibre du microbiote. De fait, les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ont une communauté de bactéries intestinales moins diversifiée que des personnes en bonne santé, contribuant à une progression de la maladie à travers l’axe ventre-cerveau. Ces bactéries produisent des protéines qui se retrouvent dans le sang et peuvent modifier les interactions entre le système immunitaire et le système nerveux. Ces résultats suggèrent que restaurer une composition saine du microbiote pourrait prévenir la maladie. D’autres pistes concernant la prévention et le traitement sont explorées. Par exemple, l’acupuncture abdominale est pratiquée pour améliorer la mémoire des patients atteints d’Alzheimer et le jeûne pour le prévenir. En effet, jeûner stimule le fonctionnement du cerveau en augmentant la production d’une protéine issue de l’utilisation des graisses, favorisant ainsi la croissance des neurones.
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Lire la suiteSi notre microbiote agit sur notre mémoire, certaines bactéries pourraient, elles aussi, être dotées de mémoire. Chose étonnante, il semblerait que les bactéries de notre intestin gardent «en mémoire» l’obésité. Même après un retour à un poids normal, cette mémoire microbienne augmente la probabilité d’une reprise de poids. Cela pourrait s’expliquer par une différente composition de bactéries due au précédent régime alimentaire. Ce changement de composition entraîne à la fois une modification des gènes bactériens et une diminution des molécules contrôlant le métabolisme et la dépense énergétique. Quoiqu’il en soit, le rôle du microbiote intestinal sur le fonctionnement physique et mental de notre organisme est de mieux en mieux connu et la recherche dans ce domaine est très active. Elle est porteuse d’espoirs pour mieux comprendre le fonctionnement de notre corps et prévenir l’apparition de maladies.
Aurore Guillaume
Sources :
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