Les premiers mots : une odyssée dans le cerveau

La capacité d’un nouveau-né à apprendre une langue ne cesse d’étonner. C’est l’une des premières acquisitions de la vie, une faculté souvent considérée comme « le sommet de l’évolution ». Pourtant, maîtriser une langue est un processus complexe, un mystère dont les clés se trouvent dans notre cerveau.

De nombreuses études scientifiques ont mis en évidence le fait que l’acquisition du langage était un apprentissage « naturel », et surtout qu’il répondait à la même chronologie entre différents enfants et donc, entre différentes langues maternelles. Ces constats témoignent d’un parcours prédéfini correspondant à des étapes du développement cérébral.

Le cerveau, clé de voûte de l’acquisition du langage

De multiples zones du cerveau sont en fait responsable du langage. D’abord, l’aire de Wernicke, située dans la partie postérieure du lobe temporal gauche, prend en charge la compréhension des mots. Ces informations sont ensuite transmises à l’aire de Broca, située dans la partie postérieure du lobe frontal gauche, nécessaire à la prononciation. Mais le plus important, est que le développement du langage est concomitant à un phénomène au nom barbare : la myélinogenèse.

Les neurones, responsables de la communication dans le cerveau, s’entourent d’une gaine appelée myéline, qui accélère la progression de l’influx électrique entre ceux-ci. Le développement de cette myéline est étroitement associé à la maturation cérébrale. Il a donc été possible de déterminer, selon le degré de myélinisation, quelles zones étaient potentiellement impliquées dans le langage et surtout de les mettre en relation avec les étapes du développement du langage chez l’enfant.

Un développement progressif

Ce sont d’abord les voies auditives qui se développent, et cela même avant la naissance. Ainsi, un bébé sera capable de catégoriser des sons élémentaires (entre 2 et 3 mois), puis mémoriser et reconnaître des « mots », formés de séquences consonnes-voyelles (entre 7 et 8 mois). Puis, ce sont les voies associatives, permettant de se représenter mentalement un objet et d’y associer un son, qui se développent, entre 1 et 3 ans. Ce phénomène est marqué par un brusque accroissement du vocabulaire. En moyenne, un enfant produit 10 mots à 12 mois, 50 mots à 18 mois, plus de 300 mots à 24 mois et 500 mots à 30 mois. Grâce à cette explosion lexicale, l’enfant assemblera des mots vers 24 mois et construira des groupements plus complexes à partir de 30 mois.

Même si la variabilité interindividuelle est très importante, ce cadre chronologique a été utile aux médecins et aux orthophonistes pour déceler les premiers troubles du langage chez un enfant. Les diagnostics peuvent être établis grâce à une évaluation des capacités linguistiques, mais aussi grâce à l’imagerie, permettant de détecter une diminution de l’activation des aires cérébrales du langage dans certains troubles, comme la dyslexie. Si le développement du langage n’a cessé de susciter des débats entre philosophes, linguistes ou paléontologues, preuve est de constater que les neurosciences ont plus que jamais leur mot à dire.

Heloïse Rakovsky

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