Expéditions archéologiques sur l’île de Tromelin : Comment les esclaves ont-ils survécu ?

Campement d’esclaves. Creative Commons.

En 1761, 80 esclaves malgaches sont abandonnés par un équipage français sur l’île désertique de Tromelin, dans l’océan Indien, après que le navire les transportant eut fait naufrage. Ce n’est que 15 ans plus tard qu’un équipage revient secourir les rescapés : sept femmes et un bébé de 8 mois. Quatre expéditions archéologiques ont été menées sur l’île pour comprendre les conditions de survie des naufragés malgaches dans une terre si hostile.

L’île de Tromelin est une petite bande sableuse se trouvant à 450 km de Madagascar. Désertique et d’une surface de 1 km2, elle est soumise à de violentes tempêtes tropicales, la rendant particulièrement hostile pour l’Homme.

Entre 2006 et 2013, quatre expéditions archéologiques ont été réalisées sur l’île de Tromelin par le GRAN (Groupe de recherche en archéologie navale) et l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives). Ces recherches ont permis de recueillir les premiers éléments sur les conditions de survie des esclaves. Les recherches menées sur l’île ont mis en lumière les lieux de vie des rescapés. Pour se protéger du vent et des tempêtes, les rescapés ont construit des abris à l’aide de blocs de corail et de grès de plage, allant à l’encontre de leur tradition (la pierre étant normalement réservée aux tombeaux).

L’équipage français avait laissé des vivres aux esclaves, leur permettant de tenir un mois. Mais ceux-ci ont vécu sur l’île 15 ans en y exploitant les maigres ressources. À l’aide d’ossements retrouvés, les archéologues ont découvert que les esclaves se nourrissaient essentiellement d’oiseaux et de tortues. L’eau douce était disponible grâce à un puits creusé dès les premiers jours après le naufrage et les ustensiles utilisés avaient été récupérés au préalable à bord du navire échoué.

L’ensemble des recherches menées ces dernières années montre la forte volonté des esclaves pour survivre.

Esclaves Tromelin. Sylvain Savoia/Dupuis.

L’histoire des esclaves abandonnés

En juin 1761, l’Utile, un navire français de la compagnie des Indes orientales lève l’ancre en direction de Madagascar pour y acheter des vivres. La compagnie des Indes orientales gère le commerce en direction de l’Afrique, de l’océan Indien et des Indes. L’Utile a donc pour rôle d’apporter aux colonies les produits de la métropole en échange de produits coloniaux tels que le café et le sucre. N’étant pas un navire négrier, l’équipage a l’interdiction d’acheter et de transporter à bord des esclaves. Mais le capitaine du navire décide de braver l’interdit et embarque dans les cales du bateau 160 esclaves malgaches en direction de l’île Rodrigues. Dans la nuit du 31 juillet 1761, des imprudences et erreurs d’observation conduisent le navire à heurter un récif corallien : il fait naufrage au large de l’île de sable (aujourd’hui Tromelin). L’équipage français, composé d’environ 120 hommes, regagne l’île. Les esclaves qui étaient enfermés dans les cales du navire décèdent pour la grande majorité d’entre eux. Néanmoins, près de 80 esclaves arrivent à s’échapper des cales puis à regagner le large de l’île. Le 27 septembre 1761, l’équipage français quitte l’île à bord d’une embarcation construite avec les restes de l’Utile, laissant les 80 esclaves et promettant de venir les chercher. Mais ce n’est que quinze années plus tard qu’un navire revint, sauvant les derniers survivants : sept femmes et un bébé de 8 mois.

Kadidia Siméon

Pour en savoir plus :

Guérout, Max et Romon Thomas. Tromelin, L’île aux esclaves oubliés. CNRS Éditions, coédition avec l’Inrap. 2015.

Bande déssinée
Savoia, Sylvain. Les esclaves oubliés de Tromelin. Aire Libre, Dupuis en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle – Musée de l’Homme. 2015.

Documentaire
Les esclaves oubliés de l’île Tromelin. TV5 Monde. Disponible ici sur Youtube.

Exposition (finie)
Tromelin, L’île aux esclaves oubliés. Musée de l’Homme.