Octave, la grosse tête du monde animal

Notre cher Octave nous l’avait bien caché : poulpe de toutes les situations, le bougre s’avère doté de capacités hors du commun. A l’occasion d’une interview exclusive, Octave, de son nom civil Octopus vulgaris, se dévoile. Entretien.

  • Neuf cerveaux pour le prix d’un 

Reporter: Bonjour Octave, ravie de vous recevoir. 

Octave: Bonjour, le plaisir est partagé.

R: Permettez moi de rentrer immédiatement dans le vif du sujet mon cher Octave. Une des rumeurs les plus répandues sur votre cas est le fait que vous posséderiez neuf cerveaux. Un dans chacun de vos tentacules…est-ce bien vrai?  

O: Je possède un système nerveux assez atypique en effet, bien différent de vous autres vertébrés, mais pas moins complexe. Mon cerveau est composé de 500 millions de neurones répartis entre mon encéphale central, mes lobes optiques et mes huit bras. Un réseau diffus, me permettant d’utiliser mes membres avec dextérité. Chaque tentacule a en fait une certaine autonomie vis-à-vis de mon système nerveux central, de sorte que mes ventouses ne s’attachent pas à tout ce qui passe. Et c’est tant mieux. Pensez-vous qu’avec mes huit bras, j’aurais bien vite fait de m’emmêler les pinceaux!

  • As du camouflage 

R: Passionnant…un multiple cerveau conscient de son environnement jusqu’au bout des tentacules. Qu’en est-il de vos incroyables dons de camouflage? Est-ce dû à ce système nerveux diffus? 

O: Pas vraiment, non. Ces changements de pigmentation sont contrôlés par mon système nerveux central, mais de manière indirecte. Les principaux acteurs sont en fait les chromatophores, des cellules pigmentaires présentes dans ma peau. Quand ces cellules sont rétractées les pigments sont contenus au centre, me donnant une teinte claire. Lorsqu’elles s’épanouissent les pigments s’étalent, me conférant une couleur sombre. La vitesse d’expansion ou de contraction des chromatophores est très rapide chez nous les céphalopodes et dépend de signaux nerveux et hormonaux. Toute cette mécanique mène à des changements de teinte quasi immédiats, bien utiles pour chasser ou fuir. 

Neuf cerveaux, huit tentacules, trois cœurs et également un regard perçant. © Valto May
  • Obscures contorsions 

R: Comme vous venez de le préciser, vous êtes connu pour votre penchant à la fuite. On m’a fait savoir que vous utilisiez des procédés à la fois sombres et tordus. Pouvez-vous nous en dire plus? 

O: Haha vous touchez juste! Si mon espèce peuple cette planète depuis si longtemps c’est parce que nous savons nous éclipser au bon moment et surtout, avec efficacité ! 500 millions d’années et le compteur tourne encore. Mais je m’égare… J’utilise une technique toute simple qui consiste à aveugler mes assaillants avec un jet d’encre au visage. Voyez-vous, j’ai un organe appelé de façon assez barbare « poche du noir ». Elle produit un pigment très sombre que vous, vertébrés, possédez aussi : la mélanine. Mélangé à du mucus, ce pigment devient une encre sombre et persistante dans l’eau, me permettant de me carapater au plus vite. 

R: Et qu’en est-il de vos talents de contorsionniste?

O: Oh, évidemment! C’est une chance pour nous de ne pas avoir de squelette et d’être composé essentiellement de tissus mous et élastiques. A l’exception de mon bec, chaque partie de mon anatomie peut se faufiler dans les plus petits interstices. Même mes organes sont entièrement malléables. La nature est bien faite, vous ne trouvez pas? 

  • Une mémoire d’éléphant

R : Octave, non seulement vous avez une excellente mémoire mais votre intelligence vous permet de l’utiliser à bon escient. Pouvez-vous m’en dire plus ?

O : Ça oui, j’ai une sacrée mémoire visuelle et tactile. Comme vous, je différencie la mémoire à long terme de celle à court terme. De fait, j’expérimente en rencontrant de nouveaux objets. Caractéristique assez unique : ce que j’apprends d’un oeil, je peux le reproduire depuis l’autre, mais après beaucoup de travail. Pour vous c’est facile, mais un pigeon en est incapable, comme d’autres animaux. Je sais différencier les humains et je me repère dans des labyrinthes ! Vous aurez entendu parler de mes congénères qui s’échappent d’aquariums. Car oui, nous avons une parfaite conscience de notre environnement.

  • La famille avant tout !

R : J’ai entendu dire que vous donneriez tout pour vos enfants, c’est bien vrai ?

O : Si j’étais une femelle, oui. Elles sont bien braves. Durant 4 à 8 semaines, jusqu’à ce que les oeufs éclosent, elles les surveillent et les nettoient sans manger. Ensuite, elles meurent. Entendons nous bien, même si elles sont affaiblies, elles ne meurent pas de faim. Elles n’ont simplement pas le choix, leurs cellules sont programmées pour ça…

  • Cœur(s) à prendre 

R : Vous ne semblez pas bien attendri par le sort de vos femelles et votre progéniture… 

O : C’est bien vrai, après la fécondation je fais mon bonhomme de chemin. Mais croyez-moi, ce n’est pas par manque de cœur ! D’ailleurs j’en ai trois : un systémique « principal » qui est relayé par deux petits cœurs branchiaux, qui me permettent de filtrer l’oxygène de l’eau récupérée par mes branchies. L’oxygène est porté par du cuivre, ce qui rend mon sang bleu-vert. En tout cas, mes trois cœurs sont dévoués à ma passion journalistique, et surtout à mes lecteurs !

Mélissande Bry & Agathe Delepaut

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