Les courants aux rythmes altérés

Océan Perpétuel - Gulf Stream ©NASA Goddard

Ils régissent la circulation du plancton, le climat terrestre, la météo de France ou d’Australie, la reproduction du corail, et la capacité de stockage de carbone des océans. Les courants marins sont essentiels au maintien de l’équilibre climatique terrestre. Mais depuis quelques centaines d’années, ils semblent faiblir.

En réalité, ces géants calmes et discrets font partie intégrante de nos océans, et ne régissent pas le climat mondial par une volonté obscure. De la même manière, le ralentissement de leur circulation est en fait un témoin des problèmes climatiques plus profonds.

Si ces courants existent, c’est parce que les océans se trouvent sur une planète en révolution possédant une atmosphère. Le mouvement constant de celle-ci est entretenu au niveau de l’équateur par la rotation de la Terre. C’est ce mouvement qui se transmet à la surface de l’océan, contribuant à la création de courants. L’activité géologique de la Terre participe aussi à créer un déplacement d’air et d’eau. En générant de l’énergie sous forme de chaleur, elle initie un mouvement de matière au sein des fluides. Les courants chauds remontent et les courants froids s’engouffrent dans les profondeurs. Ajoutons à cela des différences de salinité de l’eau qui influent sur sa densité, et l’on obtient un schéma grossier de la dynamique océanique telle qu’on la connaît. Le résultat ressemble à un tapis roulant global qui plonge au niveau des pôles.

Des changements profonds

Dans ce système interconnecté, le déséquilibre d’un paramètre est susceptible de dérégler tous les autres. La salinité, qui a une influence directe sur la densité de l’eau, et donc sur la circulation des courants, varie lorsqu’un grand volume d’eau douce est introduit dans le système. De ce point de vue, les conséquences de la fonte des glaces  au niveau des pôles prennent des proportions plus importantes que la seule montée du niveau de la mer. Le largage du sel lors de la formation de la banquise n’étant plus assuré, la densité des eaux est alors trop faible pour créer cette plongée au niveau de l’Atlantique Nord. Le tapis roulant océanique ralentit. L’augmentation des températures aux pôles contribue également au phénomène. Si l’eau se refroidit moins, la densité s’en trouve encore une fois diminuée, en plus de l’être par des précipitations plus fréquentes.

Carte des courants marins © boellstiftung – CC BY-SA 2.0

Qu’est-ce que ce phénomène engendre comme conséquences sur le climat ? Dans l’océan Atlantique, la portion de ce tapis roulant qu’on appelle le Gulf Stream charrie des eaux chaudes depuis les Caraïbes, adoucissant le climat européen. C’est grâce à cela que les hivers de New York et de Porto sont loin d’être de la même rigueur, se situant pourtant aux mêmes latitudes. 

L’histoire des climats passés permet d’imaginer que la modification de ces courants conduira à une chute des températures en Europe. Mais cette donnée est insuffisante pour comprendre l’avenir de son climat, et surtout elle ne serait pas la seule concernée. Si El Niño, phénomène océanique ponctuel dans le Pacifique, a la capacité de provoquer des vagues de froid jusqu’en Europe, un ralentissement des courants profonds dans l’Atlantique aura sans aucun doute des conséquences sur le climat mondial. Les conséquences précises de ce ralentissement restent extrêmement complexes à prédire, son couplage au réchauffement climatique étant inédit.

Marion Barbé