Le sommeil des ancêtres

L’insomnie affecterait près de 20% des français. Pourtant, au regard des données historiques, ce phénomène semble relativement récent.
À côté des explications régulièrement données pour expliquer cette situation, c’est la manière elle-même d’organiser notre nuit qui serait en cause.

Il est 23h, une personne s’allonge dans son lit et s’y endort sans difficulté. Mais trois heures plus tard, elle se réveille et cette fois-ci, impossible de refermer l’œil. Sans désespérer, le dormeur se saisit d’un livre et, sous un faible éclairage, laisse filer son regard de page en page avant de replonger, deux heures plus tard, dans les bras de Morphée.

« Cet individu doit être insomniaque », c’est fort à parier, ce que la plupart d’entre nous penserons en entendant cette histoire.

Grossière erreur : cet individu est peut-être simplement en train de dormir à la manière du Moyen Âge.

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Cette thèse, pour le moins originale, se trouve pourtant étayée par des études sérieuses. Au premier lieu desquelles, celle menée en 2001 par Roger Ekirch, historien à l’université Virginia Tech (États-Unis). Selon cette recherche, basée sur l’analyse d’un corpus de documents antérieurs à la révolution industrielle, les européens de cette époque auraient eu l’habitude de scinder leur nuit en deux parties séparées par une phase d’éveil.

Cette période d’activité, qui durait de une à trois heures, aurait été particulièrement importante pour les Hommes de l’époque. Discuter, se promener, faire l’amour ou prier, de nombreuses activités étaient entreprises lors de ce moment particulier, sans doute propice à l’introspection, loin des tracas du quotidien.

Ce résultat faisait écho à une autre étude (expérimentale cette fois) publiée en 1992 par Thomas Wehr du « National Institute of Mental Health » américain, qui devait apporter des éléments en faveur de cette hypothèse. Les sujets, soumis à des nuits artificielles de 14 heures par jour finissaient, au bout de trois semaines, à spontanément adopter ce type de sommeil.

L’éclairage électrique qui se généralise à la fin du XIXe siècle aurait sonné le glas de cette pratique ancestrale. En offrant un éclairage largement supérieur à celui des bougies, il aurait permis de veiller tard tout en permettant des activités autrefois impossibles de nuit. Avec une heure de coucher ainsi repoussée, la nuit d’une seule traite aurait fini par s’imposer dans la population.

Mais chez l’humain, la manière de dormir ne se résume pas à ces deux formes de sommeil. Il existe à travers le monde de très nombreuses manières de pratiquer cet acte universel (citons par exemple la sieste de l’après-midi). Un acte qui, on a tendance à l’oublier, demeure absolument nécessaire.

Guénolé Carré