Si l’usage de l’intelligence artificielle (IA) dans la musique est encore anecdotique, il pourrait prendre énormément d’importance dans les années à venir. Certaines IA aident à la composition, d’autres à l’interprétation, il en existe aussi qui tentent de prédire quelles chansons deviendront des tubes. Mais alors, l’Homme risque-t-il d’être rattrapé et devancé par un ordinateur en matière de création artistique ?
L’histoire commence en 1958 quand des recherches sont menées pour assister l’humain dans la composition musicale. Hiller et Isaacson travaillent alors sur l’un des premiers ordinateurs : ILLIAC. Leur programme générait des notes aléatoirement. Les enchaînements de notes étaient ensuite testés au moyen de règles d’harmonies classiques. Seules les notes satisfaisant les règles étaient conservées. Une œuvre a été composée grâce à ce programme, et jouée par des musiciens : Illiac suite. Cette pièce en quatre mouvements a été reçue avec beaucoup d’intérêt par les musiciens contemporains qui commençaient à s’intéresser aux musiques électroniques, sonnant le début d’un demi-siècle de recherche sur les IA et la musique.
Durant un certain temps, tous les algorithmes fonctionnaient grâce à des règles fixées par l’Homme. Cependant, c’est la musique qui pose ses règles et non l’inverse. C’est pourquoi depuis les années 1990 les recherches se sont quasiment toutes focalisées sur la capacité de l’ordinateur à définir des règles en écoutant toutes sortes de musiques : c’est ce qu’on appelle le machine learning.
Le travail de David Cope sur le projet EMI en est un parfait exemple. Son programme fonctionne en cherchant des patterns récurrents dans le travail d’un même compositeur. Ces patterns servent ensuite à l’ordinateur pour composer une œuvre semblable à celle du compositeur. Le résultat, bien qu’imparfait, est une avancée majeure dans ce domaine et la « patte » de certains artistes peut être reconnue. (cf. Computer Composed Music de David Cope).
Outre l’aspect innovant et purement scientifique de cette question de recherche, les enjeux culturels inhérents à ce sujet sont capitaux. Plus les IA deviendront autonomes et efficaces, moins le travail de l’artiste sera valorisé.
L’art ne serait-il plus le propre de l’Homme ? Un robot peut-il faire de l’art ? Peut-il y avoir de l’art sans intention artistique ? Peut-on considérer l’ingénieur à l’origine du programme comme l’artiste ?
D’un autre côté, pourquoi freiner la création, qu’elle soit humaine ou non ? Cela représente aussi un défi pour les musiciens, qui ne doivent pas se laisser surpasser par les IA et rester créatifs pour avoir une longueur d’avance.
Joachim Taieb