Certaines musiques sont plus simples à écouter que d’autres. C’est assez difficile d’imaginer qu’un enfant en bas âge apprécie plus le jazz ou le métal par rapport à Frère Jacques ou les comptines de Chantal Goya. Mais en même temps, des parents qui feraient écouter Slipknot à leurs gosses devraient certainement s’en justifier à une psychologue scolaire un jour ou l’autre ; ça n’arrive donc pas très souvent. Vous voyez où je veux en venir : la manière dont on apprécie la musique est encore un débat entre l’inné et l’acquis.
La théorie dominante, qui a été établie à la fin du XIXe siècle, s’est basée principalement sur les propriétés physiques du son. Un son est une vibration mécanique de l’air (ou autre fluide) qui se propage sous la forme d’une onde avec une certaine fréquence. Notre oreille capte cette fréquence et la traduit au cerveau. Cette théorie stipule que, lorsque des sons sont perçus simultanément, c’est le rapport entre les fréquences qui détermine si les intervalles sont consonants ou dissonants. Plus le rapport entre les fréquences de deux notes est simple, plus elles sont considérées consonantes.
Par exemple, la consonance dite « parfaite » de deux notes est une octave, dont le rapport de fréquence est de 1/2. La quinte juste, qui est le deuxième intervalle le plus consonant entre deux notes, a un rapport de 3/2. En revanche l’intervalle de seconde mineure, un des intervalles considéré les plus dissonants (essayez d’appuyer simultanément sur deux touches adjacentes sur un piano pour voir) a un rapport de 16/15.
Donc selon cette théorie, plus une musique utilise des notes avec des rapports assez simples de fréquences, plus il y a de chances qu’elle soit facile à écouter. C’est notamment le cas d’une partie de la musique classique et de la plupart de la musique pop rock, folk, variété, Céline Dion et autres Juliens Dorés. En revanche, les musiques comme le jazz utilisent un ensemble de gammes et d’accords avec des intervalles complexes entre les notes, et en plus parfois ça va très vite. Dans le métal, il y a tellement de distorsion que les notes ne sont plus clairement identifiables tellement les fréquences sont enchevêtrées. Il semblerait donc qu’il faut avoir été exposé régulièrement à ces types de musique pour pouvoir les apprécier. Si le cerveau est capable de s’y retrouver, alors les dissonances ne sont pas si dérangeantes, même si selon cette théorie elles restent par nature des dissonances.
Mais des études récentes ont montré qu’avec un entraînement régulier, des non musiciens à qui l’on demandait d’identifier des notes au sein d’accords supposés dissonants finissaient par en apprécier les sonorités, alors que des musiciens habitués à des accords consonants avaient plus de mal. D’autres études ont montré chez les enfants en bas âge, qu’il s’agissait plutôt de l’exposition précoce et répétée à des intervalles de notes qui leur permettaient de les apprécier, qu’ils soient considérés consonants ou dissonants. Cela semble indiquer que cette perception est également très culturelle, et que la culture occidentale a depuis longtemps orienté ses sonorités. Il a même été observé que des peuples de la forêt amazonienne, jamais exposés à la musique occidentale, apprécient de manière équivalente les consonances et dissonances.
Comme pour beaucoup de sujets sur l’humain, l’acquis prends doucement sa place.
Antonin Counillon