La faille de la Pythie

Oracle de Delphes - Tableau par John Collier / ©John Collier / CC BY 3.0

Une nouvelle décennie approche et nombreux sont ceux qui désirent savoir ce que leur réservent les prochaines années. Ce désir de connaître l’avenir est ancré en l’humain depuis la nuit des temps. Dans la Grèce antique, nombreuses ont été les guerres influencées par la célèbre Pythie, et de récentes découvertes géologiques tendent à montrer que ces visions n’étaient pas si divines que ça.

Issue du monstrueux « Python », serpent géant vaincu par Apollon à Delphes, la Pythie était une prêtresse capable de communiquer avec les dieux. Elle apparaît au VIIIe siècle avant Jésus-Christ et trône au sein du temple de l’oracle de Delphes.

Beaucoup de dirigeants politiques venaient consulter l’oracle. La Pythie les recevait humblement assise sur un trépied, mâchonnant du laurier. Elle entrait alors en transe et ses divagations étaient interprétées par les prêtres du temple qui retranscrivaient les messages des dieux.

Pour les historiens, l’origine des crises de démence a longtemps été imputée aux feuilles de laurier mâchées et à l’inhalation des vapeurs d’encens. Les prêtres préparaient aussi des décoctions de plantes et notamment de jusquiame, une fleur aux fortes propriétés hallucinatoires.

Photographie de Jan Mehlich d’une peinture de Jacek Malczewski (Wikimedia)
CC BY SA 3.0

Aujourd’hui, une nouvelle hypothèse vient étayer les explications des transes. Une étude géologique montre que le temple de Delphes se situerait au-dessus d’une faille rocheuse. Le sol étant principalement composé de calcaire, la friction de cette faille réchaufferait certaines couches sous-jacentes riches en bitume et entraînerait la libération de divers gaz. Des analyses montrent que les eaux environnantes contiennent une quantité importante de méthane, mais aussi et surtout d’éthylène, un composé connu pour sa volatilité et ses propriétés euphorisantes. Les apparitions divines s’expliqueraient donc aussi par la forte concentration en gaz issus du sol, s’échappant par les fissures des murs du temple et emplissant la salle de l’oracle d’inhalations toxiques.

Si les voies du seigneur sont impénétrables, celles des dieux grecs semblent transiter par les particularités géologiques du bassin méditerranéen. Couplé à la prise de puissants hallucinogènes et au folklore religieux, les Grecs pensaient avoir découvert les secrets de la divination. L’Histoire regorge d’exemples de ce genre : des « apparitions » de saints aux « possessions » divines, les drogues ont toujours joué un rôle important dans le rapport humain aux cultes sacrés.

Simon Fretel