Au Mexique, dans la province de Chihuahua au coeur de la Sierra Madre, vivent les Tarahumaras. Cette communauté comptant 50 000 individus préserve son identité depuis maintenant cinq siècles. L’isolement que leur procure la topologie résulte du désir de s’éloigner de la civilisation qui l’a autrefois persécuté. Malgré cela, des journalistes, ethnologues et écrivains ont pu les côtoyer, et en apprendre plus sur leurs singulières traditions.
Les pieds les plus légers du monde
En 1890, l’ethnologue Carl Lumholtz, qui a vécu auprès d’eux pendant 8 ans, affirme que leur nom viendrait de la déformation de « rarámuri » voulant dire « ceux qui ont les pieds légers » dans leur langue dérivée de l’uto-aztèque. Cette hypothèse, bien que critiquée, ne semble pas infondée. En 1993 Victoriano Churro, un Tarahumara, participe à une course de fond de 160 km démarrant à 3 000 mètres d’altitude dans le Colorado. Âgé de 55 ans, il remporte la course. L’année d’après un autre de ses concitoyens, Juan Herrera, âgé de 24 ans, établit un record inégalé pour les huit années suivantes.
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Cette légèreté et cette endurance, beaucoup de coureurs professionnels leur envient. Il faut dire que la course de fond est profondément ancrée dans leurs traditions et constitue pour eux un art de vie. Le jeu le plus répandu, le rarahipa, consiste à pousser une balle en bois sur des kilomètres dans les montagnes escarpées de la Sierra Madre. Ces courses peuvent atteindre des distances extrêmes avec 320 kilomètres parcourus sur les deux jours de jeu ! Peuple montagnard réparti dans des villages très éloignés, ils auraient développé cette endurance légendaire pour communiquer rapidement entre eux.
La vigueur qui ne quitte pas les Tarahumaras, même les plus âgés, ne s’explique pas par un régime de privation. Dans leur société où la timidité est un trait répandu, l’alcool est le moyen le plus commun d’y couper court. Durant les tesgüinada, fête qui tient son nom de la bière de maïs qu’ils y consomment, des jarres entières sont bues et mènent à une grande désinhibition. Ces beuveries endiablées ont lieu pour de nombreuses occasions. La veille des rarahipa ne fait pas exception, la légèreté de légende y trouve parfois son seul talon d’Achille.
Marion Barbé