En rire ou en pleurer : quand le cerveau s’emmêle

Une fille pleure ou rigole. Par elenavagengeim, licence canva / https://www.canva.com/photos/MAE8nsdgaMM-child-laugh-until-cry/ Par elenavagengeim, licence canva / https://www.canva.com/photos/MAE8nsdgaMM-child-laugh-until-cry/

Face à certaines situations, nous pouvons parfois étonner ou agacer notre interlocuteur avec des réactions émotionnelles contradictoires. Quels processus sont à l’œuvre lorsque nous pleurons de rire ou lorsque nous sommes prisonnier d’un fou rire nerveux ?

« Les mots manquent aux émotions ». C’est pourquoi notre seul recours réside parfois dans de banales expressions biologiques. Rire ou pleurer, voilà deux réactions tout à fait antinomiques. Si vous êtes tristes : vous pleurez ; si vous êtes heureux ou amusé : vous riez. Et pourtant, certaines situations peuvent déclencher des réponses émotionnelles contradictoires…

C’est Noël, repas de famille, tout le monde est là, même votre oncle gênant et problématique. Alors qu’il prend la parole, vous jetez un regard blasé à votre cousin, assis en face. « De toute façon, c’était mieux av… » Et là, le drame : le voilà interrompu par la rupture soudaine de sa chaise, entraînant sa chute. Incapable de retenir votre rire, vous le laissez éclater, rapidement rejoint par votre cousin, sous les regards désapprobateurs de toute la tablée. Malgré votre culpabilité, vous ne parvenez pas à vous arrêter. Vous sentez alors des larmes couler jusqu’à votre bouche tordue de rire. Pourquoi ? Deux explications possibles. La première est mécanique : en riant, vous contractez les muscles proches des glandes lacrymales. La pression exercée en fait ainsi sortir des larmes réflexes. La seconde est psychologique : face à un cocktail chargé en émotions — une joie extrême couplée à un sentiment de culpabilité, par exemple — les larmes permettent au corps de s’autoréguler.

Cette dernière hypothèse se vérifie également dans la situation inverse. Cette fois, une amie vous apprend le décès de son grand-père, les larmes aux yeux. Alors que vous vouliez pourtant exprimer votre compassion, vous voilà dans l’incapacité de retenir votre rire. En réalité, ce rire involontaire est un moyen pour votre corps de soulager le stress et l’angoisse liés à cette situation inconfortable. En riant, la glande pituitaire de votre cerveau libère des hormones telles que l’endorphine. Cette « hormone du bonheur » réduit l’excès d’adrénaline et de cortisol, des hormones responsables du stress. Pendant quelques secondes, vous vous sentez alors dans un état de bien-être et de plénitude. Mais il en va souvent autrement sur le long terme : le rire nerveux accentue bien souvent le malaise de la situation.

Louise Sudour et Lucie Terral


Sources :

Aragón, O. R., Clark, M. S., Dyer, R. L. & Bargh, J. A. (2015). Dimorphous Expressions of Positive Emotion : Displays of Both Care and Aggression in Response to Cute Stimuli. Psychological Science, 26(3), 259‑273. https://doi.org/10.1177/0956797614561044

Boothe, R. (s. d.). Reflex Tears. A Moment of Science – Indiana Public Media. Consulté le 3 novembre 2022, à l’adresse https://indianapublicmedia.org/amomentofscience/reflex-tears.php

Delplanque, S. (2020, 24 juin). Quel est le rapport ambigu qui existe entre le fait de pleurer et le fait de rire ? RTS Découverte. https://www.rts.ch/decouverte/sante-et-medecine/corps-humain/11424974-quel-est-le-rapport-ambigu-qui-existe-entre-le-fait-de-pleurer-et-le-fait-de-rire.html#:~:text=C’est%20pourquoi%20les%20gens,comme%20une%20r%C3%A9ponse%20%C3%A9motionnelle%20contradictoire.