Émilie Trasente, clown jusqu’au bout du nez

Émilie Trasente se maquille en clown. Par Émilie Trasente.

« Quand je joue ou que je vais voir un spectacle et que j’ai un fou rire, c’est comme si je faisais la nique à la mort », dit-t-elle après quelques instants de réflexion. Et derrière ces mots, déjà, on sent poindre la malice d’un personnage haut en couleur. Ces couleurs, Émilie Trasente les applique sur son visage de comédienne, mais surtout : de clown. Une profession peu commune, qui lui va comme un gant… ou comme un nez rouge. 

« J’ai encore besoin du nez rouge. »

Depuis une dizaine d’années, la comédienne arpente les planches, seule ou avec sa Compagnie Tout Contre qu’elle a créée en 2011. On a pu l’y retrouver sous les traits bariolés de Gabrielle d’abord, et désormais de Carabine, ses alter egos clownesques. La première, douce, a été délaissée au profit d’une Carabine « très bavarde », et qui s’interroge sur des questions de sciences, telles que « le Big Bang, les origines, les atomes… ». Le clown se construit et évolue avec la personnalité de l’actrice qui lui prête ses traits, une transformation qui passe aussi par le vestiaire. « J’ai encore besoin du nez rouge parce qu’il crée un décalage qui me rend plus libre dans mon jeu. Mais je n’ai pas encore trouvé le costume qui me convient le mieux. »  

Du corps au texte 

Quand la comédienne s’exprime, le corps suit la parole et les mots s’accompagnent d’éloquents mouvements des mains. Comme si l’expressivité du discours se devait d’être rehaussée par celle du corps. Cette grâce gestuelle, Émilie la tient de sa pratique de la danse, qu’elle a débutée très jeune. « Je m’exprimais plutôt par le corps et puis les mots m’ont manqué, alors j’ai commencé le théâtre quand je suis montée à Paris pour faire des études d’Histoire. » Les arts dramatiques deviennent alors un nouveau mode d’expression : « Je suis passée du corps au texte mais quelque chose me manquait toujours. Je sentais que ce n’était pas encore ma place. » 


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« J’ai trouvé ça dingue et ça m’a même fait un peu peur. »

C’est ensuite le clown qui s’impose comme une évidence lors d’un stage au Samovar, l’école des Clowns, Burlesques et Excentriques, à Bagnolet. Le sourire aux lèvres, l’air malicieux, elle se rappelle : « Là-bas je me suis connectée à une joie d’enfant, comme une déflagration d’énergie et de joie ! J’ai trouvé ça dingue et ça m’a même fait un peu peur. » Elle quitte son emploi quelque temps plus tard et s’inscrit à la formation de la Royal’ Clown Company, d’Hervé Langlois. « Là j’ai découvert un langage où je pouvais, à égalité, m’exprimer à travers le corps et les mots… Je me suis dit que c’était ça », poursuit-elle, exaltée. « J’avais trouvé le médium à travers lequel j’avais envie de m’exprimer. »

Et quel médium ! Pour la comédienne, la grande force du clown est avant tout sa liberté. « Il est au-delà du réalisme du jeu, […] il n’a pas de limite. Le clown dégage sa toute puissance, il brise le quatrième mur… C’est peut-être pour ça que les gens en ont peur. »

Après Ivre d’Infini, Émilie Trasente et son double au teint pâle préparent leur prochain spectacle Ça déborde. Une pièce née de la frustration d’une période de Covid-19 qui les aura privés du public. Et dans laquelle Carabine, bel et bien rechargée, reprend ses réflexions sur l’histoire de l’Univers, sans jamais manquer de s’emmêler les pinceaux… mais en visant toujours juste.

Alexandre Morales