Les langues, tel des êtres vivants, évoluent au fil du temps, forgées par les populations qui en usent. Elles subissent différentes pressions liées au contexte qui changent leur usage, syntaxe, phonologie… La langue française n’échappe pas à la règle, et qu’elle soit enrichie par des emprunts lexicaux ou subissent quelques simplifications syntaxiques, phonologiques ou morphologiques, elle fera forcément peau neuve d’ici 2121.
Quand on représente l’avenir dans les œuvres de science fiction, il y a parfois un aspect qu’on oublie : la langue. Pourtant, tout comme les coutumes et les techniques, la langue évolue. Il est probable que si vous deviez rencontrer votre descendant dans un siècle, vous auriez du mal à communiquer avec lui.
Voici quelques pistes concernant l’évolution de la langue française au cours du prochain siècle. Les emprunts tout d’abord : avec le changement climatique, on prévoit en effet une augmentation du nombre des réfugiés climatiques venant de l’étranger. Le français subirait ainsi l‘influence des cultures et des langues des populations que les pays francophones accueilleraient. En résulterait une augmentation des emprunts lexicaux et phonologiques (les mots et les sons), comme ce fut le cas au Moyen-Âge avec l’italien et l’arabe, et plus récemment avec les dialectes maghrébins et l’anglais. On pourrait aussi imaginer que l’Académie Française, qui subit de nos jours de nombreuses critiques, serait abolie. De nombreuses langues se passent d’académie et s’en sortent très bien, tel l’anglais. Les réformes de l’orthographe, qui sont si souvent demandées et proposées depuis le début du XXe siècle, auraient alors potentiellement moins de mal à être appliquées.
Du point de vue phonologique (la prononciation des mots), il y a fort à parier que les modifications observées de nos jours pourraient se poursuivre. Par exemple, la différenciation de certains sons se perdrait, comme entre le [o] de eau et le [ɔ] de parole, ou entre le é et le è (les espagnols ne font d’ailleurs déjà plus la différence). Les r, qui ont tendance à s’affaiblir, pourraient en partie disparaître, notamment à la fin des mots – comme c’était déjà le cas aux Xe et XIe siècles où mer se prononçait « mé » dans le nord de la France, ou comme l’infinitif des verbes du premier groupe où le « r » ne se prononce plus depuis le XVIIIe siècle (manger se prononçait tantôt « mangère »).
Syntaxiquement (la manière dont se forment les phrases), personne ne serait étonné de voir disparaître le « ne » de la double négation pour laisser place à l’hégémonie de la négation en « pas », comme c’est déjà le cas en français courant et familier. Le modèle de Jesperson décrit ce processus de déplacement de sens d’un mot à un autre en passant par un groupe de mot intermédiaire.
Bien évidemment, il est impossible de prévoir avec précision les évolutions linguistiques du français sur un siècle. Et nous n’avons ici pu parler que d’une infime partie des évolutions envisageables. Par exemple, nous n’avons abordé le fait que d’ici quelques dizaines d’années, la majorité de la francophonie sera africaine, et que cela pourrait avoir un impact sur la langue française. Mais bon, d’ici 2021 : a byinto é porté vou byin !
Léo Beauvais Gély et Yohan Clément