Extrême, radical, excessif, démesuré… Force est de constater que dernièrement, le concept de folie a largement agrandi ses frontières, désormais assez floues. Et aujourd’hui, il est plutôt en gros plan sado-maso avec celui de morale.
Si cette dernière a toute sa légitimité, sa version actuelle tend à chloroformer n’importe quelle tentative de réflexion, brandissant du bout de son martinet le bien (la demi-mesure, le consensus, la pondération) contre le mal (l’extrême, le radical, l’excessif, le démesuré donc) pour arriver toujours au même pronostic : le raisonnement intellectuel KO dès le 1er round sur le ring des idées. La folie, du fait de ses aspects déstabilisants, n’y a plus sa place. C’est bien dommage. Il y a tout de même quelque chose d’excitant à faire s’entrechoquer des mots, des idées, des arguments, comme on s’explore émotionnellement lors d’un bondage. La vie, quoi. Même complexe. « Le réel, c’est quand on se cogne », disait Lacan. Et non pas le fait de sortir les airbags à chaque virage moral un peu serré.
À force d’évoluer dans cette tiédeur émolliente, nous prenons peur face à ce qui nous arrache à notre confort de vie et nous place dans un sentiment d’urgence. C’est irresponsable d’un point de vue philosophique, mais cohérent d’un point de vue sociologique, à condition d’être du bon côté du statu quo. Mais ne serait-ce pas, du point de vue de l’affect, la nouvelle folie contemporaine ? Cette envie maladive de ne rien brusquer, de tout maîtriser. En combi cuir. Paradoxe.
Aymeric Bescos