Non, les personnes atteintes de troubles psychiatriques ne sont pas « folles ». Ce titre provocant traduit pourtant un tabou qui, lui, est bien présent. Les premières victimes sont les malades, mais les personnes qui les aiment en font également les frais, en plus des répercussions de la maladie sur leur vie sentimentale. L’histoire vraie de Matthieu et Héloïse*.
Matthieu savait qu’Héloïse avait des problèmes, mais il n’avait pas réalisé à quel point. Il y a cinq mois, il a compris qu’elle risquait de mettre fin à ses jours. Elle a voulu se faire interner et lui n’a pas cherché à l’en dissuader. Cependant, lorsque Matthieu a conduit Héloïse à la clinique psychiatrique, c’était un déchirement. Bien qu’il fasse confiance à l’équipe médicale, il ne savait ni pour combien de temps, ni dans quelles conditions elle allait y rester. Après s’être occupé d’elle, c’était, pour lui, comme lancer un objet fragile dans le vide en espérant que quelqu’un le rattrape et en prenne soin.
Matthieu ressent une immense responsabilité : si je la quitte, elle se suicide. Et de toutes les façons, il n’en a jamais été question. La dépression d’Héloïse ne change en rien les sentiments profonds qu’ils ont l’un envers l’autre. Mais il se sent coupable. Il repense à toutes les maladresses dont il a fait preuve au sein de leur couple. Bien sûr, les problèmes d’Héloïse remontent bien avant leur relation. Elle avait déjà été internée durant son adolescence. Mais il estime qu’il aurait pu mieux faire.
Il a préféré donner une version allégée – un burn-out et un séjour en maison « de repos »
« Héloïse est extraordinaire »
Malgré toutes ses inquiétudes, Matthieu doit faire bonne figure au travail et mettre son masque de « tout va bien ». Quand Héloïse a craqué, il a dû s’absenter. Il a tout de suite annoncé à ses collègues que sa compagne était malade, mais le tabou autour de la dépression a eu raison de lui. Il a préféré donner une version allégée – un burn-out et un séjour en maison « de repos ». Ses collègues sont à des kilomètres de s’imaginer la réalité, ou n’ont pas voulu comprendre la gravité de la situation. Par conséquent, Matthieu s’est renfermé sur lui-même.
Matthieu a une véritable admiration pour Héloïse. Hyperactivité, haut potentiel intellectuel, hyper-sensibilité, créativité et dépression, tout se mélange chez elle pour le meilleur comme pour le pire. Depuis qu’elle est en clinique, elle s’est remise au dessin, qui est une véritable thérapie pour elle. Héloïse va mieux, mais aussi et surtout, la mutuelle ne paiera pas infiniment son séjour en clinique. Elle sort donc bientôt, et tous deux appréhendent le retour à la vie normale, autant qu’ils le souhaitent.
Lucile Veissier
*Les prénoms ont été modifiés.