L’ayahuasca : bouillon d’inconscient

Préparation d'un bouillon d'ayahuasca. ©Apollo CC BY 2.0

Les drogues, c’est mal. Et puis c’est dangereux. Mais pour une équipe de neuroscientifiques à Londres, elles peuvent être un outil précieux dans l’étude des différents états de la conscience. Candidat de choix : le DMT, principe actif de l’ayahuasca. Cette drogue psychédélique transcendante plonge le cerveau dans un sommeil paradoxal artificiel, un voyage au pays des rêves.

L’ayahuasca, ça vous dit quelque chose ? Ce breuvage traditionnel, originaire d’Amérique du sud, est un bouillon de feuilles et de lianes de la forêt vierge procurant des effets un peu plus prononcés que la bonne vieille camomille de mamie Suzette. En effet, cette potion recèle une molécule répondant au nom savoureux de dimethyltryptamine (ou DMT pour les intimes). Le DMT est tout simplement la drogue psychotrope la plus puissante : distorsions visuelles extrêmes, sensation de passage vers d’autres dimensions ou réalités, sentiment de dissociation de l’esprit, de désintégration de l’ego. Bref, une bombe sensorielle. De par son intensité, son usage est très encadré : l’ayahuasca n’est consommé que lors de rituels chamaniques traditionnels dans plusieurs pays d’Amérique du sud tels que l’Équateur, le Brésil, la Colombie, le Pérou en encore la Bolivie.

Préparation de l’ayahuasca ©Awkipuma, Domaine public

Une équipe de neuroscientifiques de l’Imperial College de Londres a décidé d’endosser la toge de chamane le temps d’une étude. Pour ces chercheurs, l’expérience transcendante du DMT est un parfait outil pour comprendre les bases neurobiologiques de la conscience. L’étude en question, menée sur des sujets sains, tente de définir précisément les effets du DMT sur l’activité cérébrale. En pratique, les chercheurs passent au peigne fin les différentes ondes neuronales enregistrées après administration de l’intrigante molécule. Tout comme d’autres expériences réalisées avec du LSD (diéthyllysergamide) ou des champignons hallucinogènes, ils remarquent une diminution générale des rythmes alpha et beta, impliqués dans les états d’éveil et de fonctions psychologiques poussées. Réfléchir, argumenter, raisonner, mémoriser… toutes ces belles facultés sont inhibées par les psychotropes. Le DMT, lui, entraîne en plus une augmentation des rythmes thêta et delta, visibles lors du sommeil paradoxal, celui des rêves. Le cerveau est en fait rendu « fonctionnellement sourd » aux stimuli extérieurs. Toutes les sensations proviennent d’une stimulation interne, d’un autre état de conscience donnant l’illusion de traverser d’autres mondes. Boire un bol d’ayahuasca s’apparente donc, littéralement, à se lancer dans un rêve éveillé.

Mélissande Bry