Les forêts originelles, bientôt un souvenir ?

Chaque année, 15 millions d’hectares de forêts tropicales primitives sont rasés, soit l’équivalent de la superficie de l’Angleterre. Ces forêts primaires, ou forêts vierges, sont des écosystèmes rares qui n’ont jamais connu d’intervention humaine. En Pologne, s’étend la forêt de Bialowieza, la plus ancienne forêt vierge connue, qui s’est formée il y a de cela 10 000 ans. Aujourd’hui, elle se retrouve menacée d’extinction, comme toutes les forêts primaires. Peter Potapov, directeur de recherche à l’Université du Maryland, a analysé des images satellites et relevé la disparition de 10 % de ces forêts depuis l’an 2000.
Une raréfaction qui s’explique par la déforestation intensive au profit de l’agriculture, de l’élevage et du bois de chauffage. Pourtant, selon la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations), cette déforestation a diminué de plus de 50 % ces 20 dernières années. Ces chiffres prennent en compte la reforestation dite de production, tandis que le déboisement massif des forêts primaires se poursuit. Dans ce cas, c’est l’arbre qui cache la forêt. D’autant plus que les forêts secondaires, qui ont repoussé à la place des primaires, voient leur quantité d’espèces végétales divisée par cinq.
En effet, ce sont les forêts originelles qui abritent les arbres millénaires, autour desquels gravitent des espèces indigènes protégées de l’Homme. Dans une interview pour Le Monde, les réalisateurs du film-documentaire Il était une forêt déclarent que l’Homme devrait se « mettre des limites, créer des sanctuaires où il ne puisse aller pour exploiter ». Cette solution a déjà été mise en œuvre en France avec les réseaux d’aires protégées, dont la réserve naturelle du Grand Ventrou dans les Hautes-Vosges. Cependant, notre réaction est trop tardive pour les réalisateurs : « les arbres (…) nous survivront mais pas la forêt primaire qui, malheureusement je crois, est vouée au rythme actuel à disparaître ». À nous de leur donner tort en inversant enfin le cours des choses.

Romain Fouchard