La plume dans la plaie

Portrait d'Albert Londres

Du début de sa carrière journalistique en 1904 à sa mort brusque en 1932, Albert Londres aura marqué le journalisme par ses reportages percutants. Sa vocation d’écrivain le pousse à publier plusieurs recueils de poésie. Il se lance dans le journalisme pour vivre de ses écrits, et enchaîne pendant plusieurs années de nombreux articles non signés. C’est pendant la Première Guerre mondiale, en 1914, qu’il va se démarquer. Réformé, il est alors reporter de guerre pour le journal Le Matin, lorsqu’il entend que la ville de Reims est en proie à des bombardements. Il décide alors de couvrir l’événement, et signe son premier reportage, au style romancé, proche du vif, qui impressionne sa rédaction et le public de l’époque. Sa carrière débute.

Le 29 septembre 1914 est publié « L’agonie de la basilique de Reims », texte qui décrit avec violence le constat désespérant au lendemain du bombardement de la cathédrale. Ce texte résonne aujourd’hui, d’un son glaçant.

L’oeil au plus près

Cet addict du voyage tenait à montrer au lecteur ce qu’il ne peut pas voir. « Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie ». Loin de l’impartial, la célèbre formule résume sa démarche, où le jugement du journaliste n’est pas à exclure du reportage, que la plaie se situe dans son pays ou à l’autre bout du monde. Il dénonce notamment les conditions de vie des forçats, des hôpitaux psychiatriques, mais aussi du tour de France dont les coureurs sont décrits comme des martyrs.

Là où aujourd’hui n’importe quelle caméra peut filmer tout un pan du réel à l’autre bout du monde, Albert Londres sortait de sa plume des tableaux vivants et sinistres, façonnant le regard que plusieurs milliers de français portaient au lointain. L’exotisme qu’inspiraient ses récits de voyage résidait dans la description minutieuse d’une multitude de détails du quotidien, nécessaires pour ancrer les lecteurs dans une réalité tangible.

Après sa mort, dès 1933, les lettres de noblesse qu’il a apporté au journalisme se cristallisent avec la création du prix Albert Londres. Ce 16 mai, comme à chaque anniversaire de la mort du grand journaliste, le prix récompensera trois reporters qui montrent au public des choses qu’il ne peut pas voir.

Marion Barbé

En savoir plus :

Radio – Podcast :
Albert Londres, pionnier du grand reportage. Emission: Le temps d’un bivouac par Daniel Fiévet. France Inter. 26/06/2017.
L’agonie de la basilique par Albert Londres, Le matin, 29 septembre 1914. Emission : C’était à la une par Emmanuel Laurentin. France Culture. 08/12/2017.