Love, Sex and Robots

Bien loin du sympathique homme de fer blanc du Magicien d’Oz ou du petit mais néanmoins courageux Wall-E, les robots sont pourtant déjà légion au sein de nos foyers : ordinateur, lave-linge, rasoir, … et s’ils venaient à s’immiscer dans nos lits ?

Cette idée, qui peut sembler incongrue, est pourtant bien loin d’être fantasque : la preuve en est l’essor du secteur des sextoys, connectés ou non, et des love dolls, déjà très populaires au Japon. Concernant les androïdes sexuels, le marché actuel, bien que de niche, est dominé principalement par des machines anthropomorphes telles qu’Harmony (par RealBotix, branche de la société Abyss Creations), Suzie Software et Harry Harddrive (par Sex Bot Company) ou encore Android Love Doll (par la société éponyme), affichant des prix allant de 5000 $ à 15000 $. Des produits pour l’instant réservés à une poignée de personnes, et pour cause : comme le souligne Agnès Giard, anthropologue, le robot « essaye maladroitement de simuler les émotions par des moyens mécaniques » provoquant bien souvent un effet répulsif qui peut dissuader les potentiels consommateurs. Il s’agit là d’un concept de robotique connu sous le nom de « Vallée dérangeante » et qui théorise le fait que plus un robot androïde est similaire à un humain, plus ses imperfections nous apparaîtront monstrueuses. Pas étonnant alors que le marché soit aujourd’hui aussi restreint. 

Mais qu’en sera-t-il demain ? Quel avenir pour ces androïdes sexuels ? 

Il sera probablement inutile d’attendre 2121 pour observer leur avènement, si l’on en croit les dires d’Helen Driscoll. Maître de conférences en psychologie, elle prédit une démocratisation des androïdes sexuels dès l’horizon 2070.

Pour autant, sommes-nous réellement prêts à les accueillir ? 

C’est l’une des nombreuses questions auxquelles essaye de répondre la Fondation for Responsible Robotics dans un rapport publié en 2017 où le robot sexuel représente un sujet inspirant gêne et inquiétude dans le domaine de la recherche mais qui gagnerait à être introduit dans le débat public au vu de ses enjeux. Dans les arguments pour, on retrouve une potentielle diminution du trafic sexuel humain et de la prostitution forcée, le public interrogé jugeant la notion de « prostituée-robot » acceptable. De même, sexologues et thérapeutes suggèrent une utilisation de ces robots dans un contexte de thérapie sexuelle, lié aussi bien à des blocages sociaux que physiques (dysfonctionnement érectile, éjaculation précoce, anxiété, …). Ces androïdes pourraient également être une solution pour les personnes souffrant d’un handicap et qui devraient avoir les mêmes droits et opportunités sexuelles que n’importe qui. La question est éthiquement plus complexe lorsqu’il s’agit de personnes âgées, qui, si elles sont atteintes de démence, pourraient être trompées en pensant avoir affaire à un véritable être humain. Enfin, ces robots pourraient aussi servir à réduire les crimes sexuels (pédophilie, viols, …) en empêchant certaines personnes de passer à l’acte ou de récidiver dans le monde réel. Un argument controversé, certains chercheurs craignant au contraire un « effet de renforcement ». De la même façon, les appréhensions autour de ces robots concernent une possible sexualisation du viol, de la violence et du harcèlement sexuel. Une aggravation du sexisme déjà bien présent dans la société actuelle et une plus grande isolation sociale viennent compléter ce tableau. 

Si la démocratisation de ces androïdes sexuels dans un futur proche ne fait désormais plus aucun doute, une chose est sûre : ils ne laisseront personne indifférent.

Guillaume Crest