Nous sommes le 13 septembre 2005. Une maladie ravage humains et animaux de compagnie. Il ne s’agit pas du SRAS, épidémie à coronavirus de l’époque, mais d’une pandémie dans un jeu vidéo : « l’incident du sang vicié ». Dans le jeu en ligne World of Warcraft, un bug déclenche la transmission incontrôlée d’un maléfice à travers le monde fantastique. Une semaine s’écoule avant sa résolution et les joueurs font face à un réel cas d’épidémie. La maladie provient d’un lieu reculé. Les animaux de compagnie, asymptomatiques, la transmettent aux autres joueurs (ce qu’on appelle zoonose). Les joueurs de plus faible niveau succombent rapidement, comme les personnes fragiles dans la réalité. Elle touche plusieurs continents dans le monde virtuel comme sur Terre. C’est une pandémie à deux échelles.

Un modèle d’étude pertinent mais imparfait

Seule pandémie virtuelle à large échelle non planifiée, ses conséquences impossibles à  anticiper en ont fait un environnement d’étude adéquat. Des épidémiologistes (Ran D. Balicer, 2007 ; Eric T. Lofgren, 2007) ont analysé l’évènement a posteriori et ont relevé des similitudes avec de réelles épidémies. De nombreux joueurs quittaient les villes. D’autres se rendaient dans les zones ravagées pour aider. D’après Eric T. Lofgren, ce comportement aurait aussi bien pu être bénéfique en réduisant la mortalité, que problématique. Les joueurs soignés répandaient toujours la maladie. Les épidémiologistes ne savent pas comment cela a influé sur la propagation car aucune donnée n’a été amassée. Des comportements imprévisibles ont aussi surpris. Certains joueurs répandaient délibérément la maladie. D’autres se téléportaient dans d’autres régions du monde virtuel, malgré la quarantaine imposée par Blizzard Entertainment. Ces actions rendent l’analyse de ce modèle profitable. Il n’est cependant pas transposable à la vie réelle, notamment car la mort dans ce jeu est temporaire.

Comment les développeurs ont résolu le bug ? Ils ont décidé d’effacer et relancer les serveurs du jeu, supprimant toute trace de l’incident. Un acte impossible dans la réalité où seuls les protocoles de recherche, le temps et le respect des mesures de protection permettent de venir à bout d’une pandémie.

Agathe D.