Est-ce le pouvoir qui rend fou ou la folie qui mène au pouvoir ? De plus en plus de spécialistes se penchent sur la question, remettant au goût du jour une discipline longtemps délaissée en France : la psychologie politique.
Le psychiatre Patrick Lemoine a publié en décembre 2019 un ouvrage intitulé La santé psychique de ceux qui ont fait le monde. Une enquête poussée compilant l’analyse de plusieurs textes historiques, enregistrements vidéo, interviews et autres témoignages de l’état mental d’une poignée de grand(e)s dirigeant(e)s au fil des siècles. Jean-Luc Hees, journaliste et ancien président de Radio France, a pris la parole au micro de France Inter en janvier 2020 autour de la question « mais qui sont ces psychopathes qui nous gouvernent ? ». Dans cette émission, il s’interroge sur les motivations d’accès au pouvoir et ses effets (souvent délétères) sur les individus qui parviennent à l’obtenir.
Ce ne sont que quelques exemples récents, mais cela fait déjà plusieurs décennies que la santé psychique de nos élites politiques intrigue et inquiète, s’inscrivant dans une discipline mal-aimée en France: la psychologie politique. Les qualités hissant au pouvoir dans notre société ne sont ni l’altruisme ni l’humilité mais plutôt la persévérance (allant jusqu’à l’obsession), une haute estime de soi, peu d’empathie, des talents d’orateur/trice et un certain degré de paranoïa. En effet, on supporte mal l’idée d’un(e) chef d’Etat qui puisse douter, qui ait une personnalité effacée ou trop compatissante. Une fois à la tête d’un pays, les dirigeants peuvent vite devenir addicts au pouvoir et aux privilèges qu’il confère, créant un décalage certain entre leur vie d’élite et celle du peuple. Un tel système nous pousse à repenser le concept même de carrière politique qui au mieux semble correspondre à des profils psychologiques plus ou moins dérangés et qui, au pire, peut aller jusqu’à faire perdre pied avec la réalité. En d’autres termes: rendre fou.
Mélissande Bry