Il a les cheveux en pagaille, des lunettes rondes et parfois un accent allemand : l’archétype du savant fou a peu changé depuis ses premières représentations au XVIIIème siècle. Qu’il soit têtu et inoffensif ou un réel génie du mal, le scientifique fou a pour trait principal une inexorable envie de se dépasser et de relever des défis toujours plus spectaculaires. Ici, la folie est alors un dérèglement qui touche les cerveaux les plus évolués, aliénés par leurs recherches. Jamais rassasié, le savant fou est donc à la fois un passionné et un esclave de ses expériences.
Mais l’image du scientifique fou a pris une toute autre dimension au cours du XXème siècle. Entre essor du nucléaire, technologies militaires et protocoles à l’éthique discutable, les chercheurs ont progressivement perdu les adeptes de leurs expériences et fait naître quelques solides théories du complot. Cette idée du savant corrompu ou sadique est restée ancrée dans les mémoires, et fait encore parfois douter de la bonne volonté des scientifiques.
Bon nombre de non-scientifiques ont tendance à oublier [leurs] conditions de vie précaires
Cachés derrière ces clichés, les chercheurs sont aujourd’hui peu montrés et peu estimés, bien qu’ils soient essentiels au développement économique et intellectuel d’un pays. Bon nombre de non-scientifiques ont tendance à oublier ou simplement ignorer les conditions de vie précaires auxquelles ils peuvent faire face. Manque de financements, de reconnaissance… et la future Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) ne ferait que renforcer la pression qui pèse sur le métier. Le Comité d’éthique du CNRS a notamment exprimé ses inquiétudes quant à la mise en place de cette réforme, et craint qu’elle amplifie davantage le manque d’attractivité des métiers de la recherche. De nos jours, le savant n’est donc plus rendu fou par ses expériences, mais simplement par sa condition au sein d’une société qui ne lui fait plus confiance.
Jeanne Bourdier