À travers mes paupières closes, je perçois les rayons du soleil qui tentent de traverser l’épais rideau de ma chambre. Ma bouche est pâteuse et mes membres ankylosés m’entraînent de nouveau vers cette torpeur qui ne me quitte pas. Malgré cette chape brumeuse qui m’enveloppe, j’essaye de compter les jours qui se sont écoulés. Les pensées affluent, au ralenti, et tout d’un coup la charge de responsabilités qui m’incombent m’envahit, me submerge. Aujourd’hui je n’ai pas la force, je le remettrai à demain.
J’ouvre les yeux. Au dehors, la pluie bat le carreau et les bruits de la rue me parviennent. J’ai l’impression que je vais mieux ; je me sens moins las, moins nostalgique, moins acculé. Doucement, je m’extirpe de mon lit et consulte mon téléphone où m’attend un nombre conséquent de notifications en tout genre. Paco qui me propose une soirée, des mails de ma responsable, le 2-2 du PSG contre Rennes et 13 appels de ma mère, mais pour ça non plus je n’ai pas la force.
Sur le pas de la porte du salon, mon regard embrasse l’extravagante scène qui s’offre à moi. Des cadavres de Dom Pérignon jonchent le sol en compagnie d’une quantité indécente d’huîtres vides, une petite faim jeudi soir. La pièce entière, elle, est constellée de papiers de soie desquels débordent d’onéreux atours, mon jean bleu ne me plaisait plus. Puis, je lève les yeux et contemple le mur auparavant blanc. Devant moi se dresse une large fresque aux milles couleurs. J’étudie avec attention le fruit de ma fulgurante créativité, une petite trace de chaussures à cacher.
Inévitablement, cet état des lieux me ramène âprement à la réalité. Je prends quelques instants pour me recentrer et les souvenirs se remettent peu à peu à leur place.
Je tourne les talons et m’éloigne de cet épisode maniaque pour me rediriger un instant vers l’épisode dépressif afin de récupérer mon téléphone laissé dans la chambre. La tonalité retentit, le dernier mouvement du Lac des Cygnes envahit le combiné et l’habituelle voix préenregistrée de la clinique psychiatrique du Dr. Boucheron se fait entendre.
Juliette Dunglas