Il est des records abracadabrants dans le livre Guinness des records, mais avez-vous déjà entendu parler de la plus longue expérience de laboratoire en continu au monde ? Plongeons ensemble au coeur de l’expérience de la goutte de poix, une expérience scientifique et historique majeure dans la physique des fluides et l’étude de la viscosité.
Cela fait 92 ans, rien que ça !
En 1927, le professeur Thomas Parnell, de l’Université du Queensland en Australie, décide de lancer l’expérience de la goutte de poix pour montrer aux étudiants l’état fluide et incroyablement visqueux de matières a priori solides au premier coup d’oeil. La poix en est un exemple, une matière noire gluante et collante dérivée du pétrole ou de la résine de certains bois. Curiosité oblige, Parnell décide d’étudier la viscosité de ces matières étranges autrement dit la capacité d’un liquide à se laisser déformer se mesurant en « Pascals-Seconde » (Pa.s).
Pour la petite anecdote, l’eau possède une viscosité de près de 0,001 Pa.s.. Alors que l’air est presque 50 fois moins visqueux que l’eau, le miel l’est 10 000 fois plus. La viscosité de ces fluides a été étudiée en mesurant le temps qu’il faut au fluide pour couler dans un entonnoir. Si l’on revient à notre poix, l’expérience ne démarre en réalité qu’en 1930, lorsque le bouchon du cou de l’entonnoir est coupé, de façon que la poix puisse s’écouler. Suite à l’opération, de larges gouttes sont tombées tous les 8 ans environ.
Cependant, l’expérience n’a pas été réalisée dans des conditions physiques contrôlées, notamment vis-à-vis du changement de température au fil des saisons. Pour y remédier, une climatisation a été installée peu après la chute de la septième goutte en 1998 à des fins de thermorégulation, augmentant d’une pierre deux coups l’allongement des gouttes et leur chute. Alors que la neuvième goutte est tombée le 23 avril 2014, la viscosité de la poix est déjà estimée à environ 230 mille milliards (2,3 × 1011 Pa·s) de fois celle de l’eau.
Pour la suite, on estime qu’il reste suffisamment de poix dans l’entonnoir pour que l’expérience continue encore au moins un siècle, histoire de perdurer un peu plus cette drôle d’aventure scientifique.
Corentin Mathé–Deletang