Un son qui donne le sourire

Parmi les sept émotions universelles proposées par Darwin, la joie se caractérise souvent par le sourire,« l’une des expressions les plus puissantes de l’affect positif ». Des travaux menés par des chercheurs ont permis de préciser le phénomène du sourire qui fait sourire, même au téléphone.

Quoi de mieux qu’un sourire pour provoquer chez son destinataire une contraction des muscles zygomatiques et ainsi un étirement des coins de la bouche ?
Ce sourire qui fend alors son visage n’est pas sans conséquence, le changement opéré modifie subtilement les conditions articulatoires et ainsi, la voix.

Pour mieux comprendre la mécanique qui la modifie, Jean-Julien Aucouturier, chercheur CNRS à l’Ircam, propose l’analogie suivante : « La langue est construite sur un modèle source-filtre. Les cordes vocales sont la source du signal et le son rayonne à travers des organes qui sont le résonateur, le filtre. Sur une guitare, il y a les cordes (la source) et la caisse (le filtre). »

La voix dite « souriante » change donc par la modification de son résonateur, c’est-à-dire par la forme de la bouche.

Une particularité qui est audible, car le cerveau est capable de reconnaître cette configuration de la bouche et donc cette manière d’articuler.

Afin de préciser ce mécanisme cognitif, les chercheurs ont mis au point un logiciel breveté utilisant un algorithme capable de moduler une voix pour la rendre « souriante » ou au contraire « non souriante ».

« Les changements de la bouche jouent sur les formants*. Pour modéliser les sourires, on déplace les formants dans le spectre du son en augmentant leur fréquence. Pour la voix « non souriante », on la diminue. »

Ils ont donc demandé à différents participants d’évaluer des phrases transformées et non transformées, d’imiter les phonèmes** « souriants » et de jauger l’effet du sourire sur le faciès.

Avec un taux de réussite de 63 %, les résultats de ces travaux montrent que les différents signaux, visuel ou auditif, d’un sourire, peuvent entraîner chez autrui une réaction motrice (même inconsciente).

Sujet d’une thèse de doctorat soutenue par Pablo Arias en décembre dernier, cette étude précise ainsi les processus intrinsèques du mimétisme.

*  Sur le spectre du son, ce sont les pics

** Plus petite unité d’un son prononcé

Des sons qui font sourire : https://soundcloud.com/cnrs_officiel/plusieurs-examples-sons-smileDans ces exemples, la première phrase est une voix « non souriante » et l’autre une « voix souriante »

Juliette Dunglas

Images :

2 spectrogrammes de la même phrase prononcée sans puis avec l’effet souriant. Dans la 2e les pointillés indiquent où est le 1er formant, qui est décalé vers le haut par l’effet. Crédit : Pablo Arias, (CNRS/IRCAM/Sorbonne Université).