Depuis des décennies, les scientifiques cherchent la réponse à cette question : comment la langue que nous parlons influence-t-elle notre façon de penser ? Ils commencent à avoir des réponses …
Depuis l’enfance, les humains apprennent une langue, celle qu’ils ont l’habitude d’écouter depuis leur naissance. C’est un processus spontané, amenant ensuite à utiliser des mots et des phrases pour définir le monde qui nous entoure, pour exprimer nos pensées. Mais contrairement à ce que nous pourrions penser, les mots peuvent eux-mêmes influer sur la façon de voir le monde, de le percevoir et d’agir. Cette théorie, connue sous le nom d’hypothèse de la relativité linguistique, a été formulée par le linguiste Benjamin Lee Whorf en 1956. Au cours des décennies suivantes, elle s’est traduite par des recherches dans les domaines de la linguistique, de la psychologie et des neurosciences.
Le pouvoir des mots
Le temps s’écoule-t-il sur une ligne horizontale ou verticale ? Difficile à dire … Selon Whorf, « c’est le langage qui impose des choix d’interprétation ». En effet, plusieurs études menées en anglais et en mandarin ont montré que la réponse à cette question dépendait de la langue parlée. Les anglophones utilisent des mots comme back, derrière, pour parler du passé, ou front, devant, pour parler du présent. Comment perçoivent-ils le temps ? Comme une ligne horizontale. Le mandarin par contre, utilise aussi pour désigner le temps des termes « verticaux », tels que sha`ng (dessus) et xia` (dessous). Résultat : les Chinois perçoivent le temps comme une ligne verticale. Selon la langue, non seulement la perception du temps change, mais aussi celle de l’espace, du mouvement… Et même des couleurs ! En grec, il existe deux termes pour définir le bleu clair et le bleu foncé : ghalazio et ble. Or, cette nuance n’existe pas en anglais. Une étude menée en 2009 a montré qu’en effet les Grecs peuvent plus facilement distinguer les nuances de bleu que les anglophones.
Le cerveau à l’écoute du mandarin
Mais la différence entre deux langues ne consiste pas uniquement en l’utilisation de certains mots. 7 000 langues parlées existent, chacune avec des structures et des particularités distinctes. Par exemple, une des différences entre le mandarin et l’anglais est que la première est une langue tonale, alors que l’anglais ne l’est pas. Cela signifie qu’en mandarin, l’intonation avec laquelle un mot est prononcé change sa signification. Une étude menée en 2015 a montré que les connexions cérébrales des personnes parlant le mandarin sont différentes que celles des anglophones. Bien sûr, il existe des circuits et des zones du cerveau responsables de la compréhension des langues en général. Ce sont les fameuses régions de Broca et de Wernicke, et le gyrus antérieur. Mais chez les mandarinophones entendant un discours dans leur propre langue, les connexions entre les zones du cerveau sont plus étroites et la communication entre les hémisphères gauche et droit est plus importante.
« Avoir une autre langue, c’est posséder une deuxième âme. »
Il semble également que la langue parlée ait le pouvoir d’influencer la personnalité. Un concept connu depuis l’époque de Charlemagne, qui affirmait qu’ « avoir une autre langue, c’est posséder une deuxième âme ». La plupart des recherches dans ce domaine ont été menées sur des sujets bilingues soumis à des tests de personnalité dans les deux langues qu’ils connaissaient. Une étude réalisée en 2013 a montré que les personnes qui parlaient parfaitement l’allemand et l’espagnol ont répondu différemment au test de personnalité en fonction de la langue dans laquelle ils écrivaient. En espagnol, les sujets étaient plus expansifs, alors qu’en allemand ils étaient plus agréables.
Camilla de Fazio