Les secrets du Soleil : l’accomplissement d’un rêve 60 ans après

Le 12 août 2018, la sonde spatiale Parker Solar Probe (PSP) a été lancée à la découverte de notre étoile. En quoi les mesures seront-elles inédites ? Qu’a-t-on tiré des premières données retournées par la sonde ? Pour y répondre, l’équipe de L’Octopus a interviewé Marco Velli, un des principaux chercheurs de la NASA sur la mission PSP.

L’Homme ne se sera jamais aventuré aussi proche du Soleil ! Actuellement en route pour notre étoile, Parker Solar Probe transporte à son bord l’espoir de lever enfin le voile sur les mystères qui entourent notre étoile. Cette mission, tant attendue depuis 1958, réalisera des mesures à 6,1 km de la surface solaire.

Une mission qui remonte aux aurores de la NASA

«PSP est une mission qui n’a cessé d’être pensée depuis la naissance de l’exploration spatiale», raconte Marco Velli.

Il y a soixante ans, après que les américains aient essuyé une amère déception face à l’Union soviétique avec la mise en orbite de Spoutnik 1, la NASA fut formée afin de centraliser les recherches aérospatiales du pays. Parmi les recommandations d’étude à entreprendre en priorité pour le premier programme spatial, le Simpson Committee a désigné notamment notre étoile. En effet, cerner l’échauffement de la corona (i.e. l’atmosphère du Soleil) et l’origine des vents solaires constituent un savoir indispensable pour comprendre l’Univers. Pour obtenir ces réponses, il nécessite d’envoyer une sonde pour collecter des mesures in-situ dans l’atmosphère du Soleil. Toutefois, la mission PSP soulevait des défis techniques considérables, insurmontables en 1958.

Photo du Soleil où l’on distingue une éruption solaire en bas, prise par l’astrophotographe Raphaël Flor, au moyen d’un Newton 200/1000 Eq-5, Filtre Solaire, Barlow 2x, Caméra CCD.

La patience aura duré vingt ans avant que l’ingénieur Giuseppe Colombo mûrisse le projet en proposant d’utiliser l’orbite de planètes comme source d’énergie permettant d’expédier encore plus loin une sonde dans l’espace. Le principe consiste à ralentir la sonde au niveau de l’orbite de Jupiter afin de l’emmener au plus proche du Soleil. Mais, l’équipe a été contraint de renoncer à cette idée novatrice à cause de la magnétosphère très énergétique de Jupiter qui aurait détérioré les instruments de mesure avant même d’arriver à destination. De plus, comme la NASA doit, depuis 1990, munir les sondes de panneaux solaires au lieu de générateurs thermoélectriques à radioisotope (GTR), il était impossible d’appliquer cette piste puisque les panneaux solaires munis pour se rendre à Jupiter sont très différents de ceux pour se rendre au Soleil.

C’est en 2002-2003 que les chercheurs ont finalement abouti à la conception de la mission telle qu’elle se concrétise aujourd’hui. La sonde se servira de la gravité de Vénus durant sept ans pour se rapprocher sensiblement de la surface solaire.

Modèle révélant la position de la sonde à la date du 11 novembre 2018. Le chemin vert désigne le parcours effectué par la sonde depuis le 12 août 2018 et celui en rouge indique la trajectoire restante à accomplir jusqu’à la fin de la mission en 2025.

Il y a toujours un long temps de gestation scientifique en raison du développement technique permettant matériellement d’accomplir les objectifs scientifiques fixés. L’étape de l’instrumentation est donc ce qui prend le plus de temps dans le déroulement d’une mission puisqu’elle doit être testée, pour vérifier que c’est fiable et qu’elle répond bien à la demande scientifique, avant d’être approuvée et recevoir l’investissement permettant de financer la mission (élevée à 1.4 milliards de dollars pour PSP).

Entre héritage d’instruments et matériaux innovants

« Se plier aux caprices du Soleil, pour que nos outils survivent au contact de notre étoile, a permis de nous dépasser une fois encore technologiquement », explique le scientifique Marco Velli.

« Les instruments de mesure embarqués dans la sonde ne sont pas inédits, ils constituent un héritage d’instruments qui ont déjà servi au cours de précédentes explorations spatiales », continue le spécialiste en physique interstellaire et héliosphérique à la NASA. Cependant, ils en sont une version améliorée : grâce à l’introduction de composants innovants les instruments sont alors capables de supporter des conditions extrêmes (résistent aux températures très élevées, supérieures à 1200°C).

Certaines vérifications sur la résistance des instruments à la chaleur ont été accomplies dans l’un des fours solaires les plus grands du monde : celui d’Odeillo appartenant au laboratoire français PROMES. Il concentre sur un petit diamètre les rayons émis pour l’équivalent de 10 000 Soleils grâce à des miroirs réfléchissants.

Quatre types d’instrument permettront d’effectuer des mesures inédites. « Les antennes de FIELDS mesurent les champs électromagnétiques des vents solaires et de la corona; le SWEAP (Solar Wind Electrons Alphas and Protons) est chargé de relever les propriétés du plasma solaire (i.e. la distribution des protons, d’électrons et d’hélium) ; l’IS☉IS (Integrated Science Investigation of the Sun) analyse les populations énergétiques issues des gaz de la corona; et enfin le télescope WISPR (Wide-field Imager for Solar Probe) s’occupe de prendre des photos en lumière blanche » relate l’ingénieur.

Des premières données rassurantes

Le 19 septembre la sonde a envoyé les premières données sur le vent solaire et sur les ondes de plasma de la corona. En prime, de magnifiques photos de notre galaxie !

« Ces premières mesures nous rassurent parce qu’elles attestent de la bonne calibration des instruments », précise Marco Velli, « mais il faudra attendre novembre pour recevoir des données régulièrement ». Entre-temps, ces instruments ne sont pas en reste ! En effet, les 8.5 Go de données n’attendent rien d’autre que d’être traitées.

Vue de la Voie Lactée prise par le télescope WISPR de la sonde PSP le 19 septembre 2018.

Margaux Abello et Camilla de Fazio

Références :

https://solarprobe.gsfc.nasa.gov/solarprobe_mission.htm

https://blogs.nasa.gov/parkersolarprobe/2018/10/03/parker-solar-probe-successfully-completes-first-venus-flyby/

https://solarprobe.gsfc.nasa.gov/spstdt_execsumm.pdf

http://parkersolarprobe.jhuapl.edu/The-Mission/index.php#Science-Objectives

https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/astronomie-parker-solar-probe-premiere-lumiere-sonde-va-froler-soleil-67547/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Parker_(sonde_spatiale)

http://iltirreno.gelocal.it/regione/toscana/2018/08/07/news/uno-scienziato-pisano-tenta-l-impossibile-marco-velli-alla-conquista-del-sole-1.17132866