Au milieu du XXe siècle, l’architecte Le Corbusier propose sa vision d’une architecture parfaite. Son « modulor » permettrait de mesurer les dimensions idéales des bâtiments qu’il conçoit. Cette façon de penser l’architecture s’appuie sur le nombre d’or et sur le gabarit naturel de l’humain… Vitruve et Léonard de Vinci n’ont qu’à bien se tenir !
Penser l’architecture, c’est comme penser un vêtement. Il faut imaginer dans l’objet créé, un corps humain qui puisse s’y développer et s’y sentir entièrement à son aise. L’architecture pourra alors être parfaitement adaptée aux modes de vie quotidiens des habitants ; c’est de cette manière que les bâtiments et les villes pourront être conçus à échelle humaine.
Au milieu du XXe siècle, cette théorie a connu une réelle avancée grâce au travail de l’architecte suisse Charles-Édouard Jeanneret-Gris. Naturalisé français en 1930 à l’âge de 43 ans et plus connu sous le pseudonyme Le Corbusier, il est l’un des penseurs les plus influents du siècle passé en matière d’architecture, et notamment en ce qui concerne la recherche de la mesure idéale des bâtiments qu’il sera amené à concevoir.
Ainsi, Le Corbusier s’inspire du nombre d’or, alors largement considéré comme le représentant fidèle d’un genre de perfection naturelle. Autrement appelé « proportion dorée », le nombre d’or désigne un rapport géométrique entre deux longueurs que l’on semble retrouver très régulièrement dans les éléments de la nature. Pour certains encore, cette « proportion divine » serait même la clé d’une harmonie et d’une beauté à la fois parfaites et naturelles.
Par extension, l’architecte s’intéresse alors aux dimensions du corps humain, dont Vitruve avait élaboré près de 2000 ans plus tôt une théorie selon laquelle la silhouette « parfaite » obéit aux lois du nombre d’or, comme a pu l’illustrer de Vinci. Le Corbusier cherche à intégrer ces dimensions naturelles pour bon nombre de ce qu’il appelle des « machines à habiter » : quoi de plus efficace que la morphologie humaine pour concevoir un logement à taille humaine ?
L’esthétique, une affaire de mesure géométrique ?
En utilisant ainsi le corps humain comme nouvelle unité de mesure, l’architecte espère éliminer le système métrique ou le système anglo-saxon de la pensée architecturale au profit de ce qu’il a appelé « le modulor ». Nouvel outil de mesure, l’objectif du modulor est de fournir un confort parfait, respectueux de la morphologie humaine à travers les dimensions du bâtiment lui-même ou bien du gabarit du mobilier qui s’y trouve.
Mais tout ce concept repose sur des dimensions uniques et prétendues « parfaites » d’un homme mesurant 1,83 mètres… Par exemple, la hauteur du plafond est ainsi mesurée en fonction d’un doigt levé par ce même homme lorsqu’il tend le bras, c’est-à-dire à 2,26 mètres.
Mais au-delà de la recherche du confort, il s’agit également de chercher une harmonie visuelle des constructions. Selon Le Corbusier, l’utilisation du modulor est l’unique manière de tendre vers une esthétique objective et non subjective.
L’objectif du modulor est de fournir un confort parfait
Seulement voilà, atteindre la perfection est-il si simple que cela ? Utiliser la mesure géométrique stricte et rigoureuse du nombre d’or pour prétendre produire une architecture humaine et idéale peut rapidement paraître réducteur et peu universel. Mais au fond, ne serions nous pas tous, dans nos singularités, notre propre modulor, notre propre unité à mesurer notre confort et notre idéal ?
Pierre-Yves Lerayer
Pour en savoir plus sur le nombre d’or :
Article sur l’Octopus Nº2 : Êtes-vous mathématiquement beau ?