Seul organe du corps humain dédié uniquement au plaisir, il est un oublié, un délaissé, un indésiré qui ne demande qu’à être connu. Pour le plaisir de tous.
La cloche sonne et avec elle, l’heure du premier cours de SVT pour la classe de 4ème D. Dans quelques minutes, les élèves feuillèteront distraitement les pages de leur nouveau manuel. Il y a maintenant de cela un an et demi, les éditions Hatier m’ont représenté. Un combat de gagné, certes. Je suis désormais immortalisé sur papier glacé, pour la postérité, dans des milliers de livres.
Il est une chose de me représenter, il en est une autre de parler de moi. Moi, je suis l’orbite du plaisir féminin. Je mesure environ une quinzaine de centimètres au total. On dit souvent que je ressemble à l’os du poulet. Je suis situé dans le complexe clitorido-urétro-vaginal. Les seules choses que l’on peut voir de moi, si l’on s’attarde à me chercher, sont mon gland et mon prépuce, positionnés entre les lèvres, au-dessus des orifices vaginal et urinaire. Petit en apparence, ce n’est que la partie visible d’un organe bien plus grand et complexe. Avec mes quasi 10 000 capteurs sensitifs, je réponds à l’activité neuronale provoquée par toutes stimulations sensorielles par…une érection. Mon corps double de volume et décuple le plaisir du complexe entier, offrant un environnement étroit, chaud et gonflé à l’heureux ou l’heureuse pénétrant(e). Tel un chef d’orchestre, je dirige l’ensemble des organes féminins pour jouer la symphonie du plaisir.
Les élèves sont donc là à regarder les schémas de l’appareil génital féminin. En vue sagittale, latérale, transversale… Je suis là, le clitoris. Mais ma présence gêne encore, parfois je n’ai même pas de légende, je ne suis seulement que quelques pixels perdus au milieu d’une page. Je suis encore moins évoqué. À quoi cela sert-il donc de me représenter si on ne parle pas de moi aux élèves ? Pourtant, il faut apprendre à parler du plaisir qu’il soit féminin ou masculin, c’est aussi une manière de lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes.
Juliette Dunglas