Le cerveau, organe sexuel

Se nourrir, dormir et se reproduire. Ce sont les trois fonctions vitales permettant la survie des espèces. L’année dernière, dans les pages de L’Octopus, nous avons évoqué les deux premières. L’alimentation qui, chez l’homme, peut devenir pathologique, artistique et source de plaisir. Le sommeil, activité mystérieuse, qui nous fait entrer dans la dimension des rêves où tout est possible. Il est clair que les fonctions vitales humaines atteignent un niveau de complexité unique. Et le sexe ne fait pas exception. Dans notre espèce, il a acquis un sens qui va bien au-delà du but reproductif. Religieux, spirituel, joueur ou sublimateur de l’amour. Ce qui nous libère des choix purement instinctifs est le cerveau, ou plus précisément, le cortex cérébral, particulièrement développé dans notre espèce.

Les neurones du plaisir

L’activation des régions spécifiques du cerveau est essentielle également dans la reproduction des mammifères, comme le démontrent les études menées chez la souris. Tout commence avec les stimuli provenant du monde extérieur, perçus par les organes sensoriels de l’animal. Ces informations en particulier olfactives, sont transmises à l’aire préoptique du cerveau, un groupe de neurones situé dans l’hypothalamus. Ce dernier est une structure logée dans la zone centrale au-dessous des hémisphères cérébraux, qui contrôle aussi le sommeil et la prise alimentaire. L’aire préoptique est riche en récepteurs qui reconnaissent les hormones sexuelles et la dopamine. Chez les animaux, comme chez l’homme, la libération du neurotransmetteur dopamine dans cette région cérébrale, représente le point de départ du désir et de l’excitation : elle permet l’activation du célèbre circuit de la récompense. Une odeur, un bruit, une atmosphère particulière, ont la capacité de faire remonter le souvenir d’un événement ayant apporté du plaisir. Entrent alors en jeu la motivation (dopamine) et la recherche de stratégies pour retrouver le sentiment de bien-être. Durant l’action, ici le rapport sexuel, la sensation de plaisir se termine par la libération de sérotonine, l’hormone du bonheur, donnant un sentiment de satisfaction. Les substances addictives activent ces mêmes circuits dopaminergiques qui procurent une sensation de plaisir.

Entre cognition et désir

Dans l’espèce humaine, cette région du cerveau remplit une fonction similaire, mais avec une différence importante. Elle reçoit des stimuli sensoriels (visuels, tactiles, olfactifs), mais elle communique aussi avec le cortex cérébral, la couche la plus externe du cerveau, siège des processus psychiques supérieurs, comme la pensée et l’apprentissage. Elle envoie et reçoit des informations provenant du système de récompense du cerveau. Ainsi, le plaisir et la récompense ont une représentation cognitive : ils dépendent de l’expérience personnelle et des facteurs socioculturels. Le désir et l’excitation sont aussi influencés par les régions cérébrales impliquées dans la formation de la mémoire épisodique permettant le souvenir d’un événement particulier. De cette manière, le cortex « contrôle » l’instinct et le guide d’une manière ou d’une autre. Toute expérience sexuelle devient alors unique et subjective.

L’orgasme « allume » le cerveau

Le professeur Barry Komisaruk, du département de Psychologie de la Rutgers University dans le New Jersey, étudie depuis des décennies la neurobiologie du sexe. En 2011, il a étudié par résonance magnétique le cerveau de cinq femmes qui se masturbaient jusqu’à atteindre l’orgasme. Le résultat surprenant est une activation massive de l’encéphale : au moment de l’orgasme, environ 30 régions cérébrales s’allument. « L’activation du cerveau commence dans les parties sensorielles génitales », rapportait Le Figaro Santé en novembre 2011, « puis se propage au système limbique (émotions, mémoire) avant de diffuser plus largement jusqu’au système de récompense et de plaisir du cerveau ». Même le cortex cérébral préfrontal, impliqué dans le jugement et dans la capacité à résoudre des problèmes est activé. Atteindre le plaisir permet donc un afflu de sang important, amenant oxygène et nutriments à l’organe cérébral. Plusieurs recherches ont également montré que l’orgasme, en plus de réduire le stress et de donner un sentiment de bien-être, possède un puissant pouvoir analgésique. Si d’une part notre cerveau a le pouvoir de stimuler le désir, d’autre part atteindre le plaisir produit un effet bénéfique sur le cerveau.

Camilla de Fazio