Christophe Colomb fait capoter l’Europe

La Physique n’a pas le monopole de la réaction en chaîne. Tel le battement d’aile d’un papillon, un événement historique peut générer une densité de phénomènes. Des plages caribéennes aux boudoirs libertins de l’ancien régime, la genèse du préservatif est l’un de ces hasards de l’Histoire.

Le 3 août 1492, le projet fou d’un navigateur génois prend vie : Cristobal Colon et ses trois navires quittent le port de Palos de la Frontera pour une traversée inaugurale de l’Atlantique. La légende est en marche. Un an après avoir accosté sur les plages caribéennes, l’amiral entreprend le chemin inverse. S’il n’a pas trouvé l’El Dorado tant fantasmé, il doit rentrer en Espagne pour témoigner de ses exotiques découvertes. Indiens, perroquets, objets en or, subjuguent la cour d’Isabelle de Castille. Mais un invité indésirable, aussi néfaste que microscopique s’est joint au voyage : en 1493, la syphilis pose ses valises en Europe.

Des monarques aux paysans, aucune classe sociale n’est épargnée par ce mal dégénératif, qui vérole la peau et tue à petit feu. En 1565, l’anatomiste italien Gabriel Fallope, met au point son antidote : le « gant de Vénus ». Depuis l’Egypte ancienne, les hommes usent d’étuis artisanaux, fabriqués en fibres végétales ou vessies animales, comme moyens contraceptifs. Le médecin souhaite améliorer ces versions afin d’endiguer l’épidémie. Il a donc imaginé un capuchon thérapeutique : trempé dans du mercure, le fourreau de toile est passé après le rapport, comme un pansement censé prévenir la maladie, ou la guérir. Non étanche et totalement inefficace, le procédé est vite abandonné.

Près d’un siècle plus tard, le docteur Condom perfectionne le préservatif qui séduit les libertins de toute l’Europe. En boyau de mouton, il s’adapte aux mœurs sensuelles de l’époque : un élégant ruban de velours maintient le fourreau, parfois décoré d’illustrations grivoises. Sa commercialisation est toutefois interdite par l’Église, qui valorise la fonction procréatrice des rapports sexuels et conspue les plaisirs charnels. Il faudra attendre 1843 pour que le préservatif soit dépénalisé en France. Cette époque coïncide avec les progrès techniques de la révolution industrielle. Élaborés à partir de nouveaux matériaux (caoutchouc, latex), les produits sont standardisés et répondent à l’augmentation de la demande contraceptive.

La syphilis, elle, décline. Le développement de la pénicilline dans les années 1940 amorce la chute du nombre de personnes infectées. Néanmoins, depuis les années 2000, les autorités sanitaires observent une recrudescence de la maladie en Occident. En France, près de 1000 cas ont été déclarés en 2014. On ne le dira jamais assez, sortez couverts !

Céline Berthenet