De l’hibernation à l’exploration spatiale

Crédit : SpaceWorks Enterprises, Inc.

De nombreuses contraintes rendent impossibles les voyages interplanétaires habités. Et si, comme dans de nombreux films de science-fiction, dormir était la solution ?

En février dernier, Space X émerveillait le monde en envoyant la voiture de son directeur général, une Tesla Roadster, croiser l’orbite de Mars. Difficile alors de ne pas songer au premier être humain qui se posera sur la planète rouge… Même si pour l’heure, les voyages interplanétaires habités relèvent de la science-fiction. Aucun être humain ne s’est aventuré plus loin que la Lune, et le record du temps le plus long passé en orbite autour de la Terre est de seulement 340 jours. Or, pour se rendre sur Mars, il faudrait entre 6 et 9 mois avec les technologies actuelles et ce, seulement pour l’aller. En ajoutant à cela le fait que les communications avec la Terre subiraient un délai allant jusqu’à 20 minutes, les premiers astronautes qui poseront le pied sur mars devront garder un mental d’acier pour lutter contre l’isolation sociale. Par ailleurs, pour un voyage aussi long, de nombreuses ressources sont nécessaires. Une étude publiée en 2003 dans la revue Advances in Space Research a estimé que 30 tonnes de consommables et d’équipements seraient essentielles pour une mission habitée de deux ans avec six personnes à bord – sans prendre en compte l’eau, l’oxygène ainsi que les systèmes d’évacuation des déchets ! La même étude estime que 75m3 de lieu de vie pressurisé par astronaute seraient nécessaires pour assurer leur bien-être. À l’heure actuelle, il n’existe donc pas de vaisseau assez puissant ni assez grand pour un tel voyage. Une solution envisagée par plusieurs équipes de chercheurs serait de faire hiberner les passagers : cette technique déjà présente dans de nombreux films de science-fiction, comme Passengers, permettrait de réduire considérablement le volume d’habitation nécessaire ainsi que la quantité d’eau et de nourriture à emporter. De plus, si les passagers dorment, le stress psychologique disparaîtrait également : en dormant profondément, plus d’angoisse ou de questionnement existentiel.

L’hibernation est un comportement observé chez plusieurs animaux au sang chaud afin de minimiser leur consommation d’énergie pendant les périodes d’activité réduite, quand la nourriture est moins accessible. Leur corps fonctionne alors au ralenti, et leur température corporelle diminue de plusieurs degrés. Chez le spermophile arctique, un rongeur vivant au Nord du Canada et en Alaska, elle peut descendre jusqu’à -2°C ! Toutefois, le mécanisme qui permet à ces animaux d’entrer en hibernation est mal compris. Il est alors difficile d’imaginer comment induire cet état chez des êtres humains, même si plusieurs pistes sont déjà envisagées comme l’injection d’un composé synthétique, une « molécule de l’hibernation », ou encore le refroidissement du corps des astronautes à l’aide de fluides réfrigérant ou de coussins de gels froids.

Refroidir pour endormir

Spaceworks, une entreprise privée américaine, s’est inspirée d’une technique utilisée dans le milieu médical : l’hypothermie thérapeutique. Elle consiste à refroidir le corps d’un patient inconscient en cas d’arrêt cardiaque, limitant ainsi les séquelles en ralentissant le métabolisme. C’est cette technique qui a permis de sauver un homme dont le coeur s’est arrêté pendant plusieurs heures (16h selon France Info) le 12 mars dernier. Aucun test n’a pour le moment été effectué sur des patients sains, mais John Bradford, le président de Spaceworks, espère commencer les premiers essais dans les deux prochaines années, en augmentant peu à peu la durée d’hypothermie jusqu’à atteindre plusieurs mois.

Alice Thomas

Image : SpaceWorks Enterprises, Inc.