Nombre d’individus peuvent témoigner d’une évolution de leurs goûts alimentaires avec le temps. En devenant adulte, il y a souvent un regain d’intérêt pour des aliments jugés dégoûtants pendant l’enfance, comme les épinards ou le brocoli. Y a-t-il une base biologique à ces aliments mal-aimés ? Pourquoi les déteste-t-on ? Héritage culturel ? Génétique ? Ou les deux ? Pourquoi les goûts changent-ils avec l’âge ?
Pour le Dr Uprichard de l’Université de Warwick, les stigmates sociaux et culturels ont une importance considérable dans les choix alimentaires. Ceux-ci seraient uniques au niveau individuel, maissemblables au sein d’une population. Quel meilleur exemple que le bon camembert, une fierté nationale française, retournant les estomacs des touristes à sa seule vue (et odeur). En étudiant les habitudes alimentaires au cours de la vie, le Dr Uprichard a aussi pu montrer que les aliments mal-aimés de l’enfance sont souvent mieux tolérés à l’âge adulte. Certains aliments, comme la bière ou les olives, finissent par être appréciés suite à une forme de pression sociale. Cela pourrait expliquer l’appétence pour certains produits, mais tout ceci n’explique pas pourquoi les choux sont mal-aimés…
Comme souvent avec les humains et l’alimentation, plusieurs hypothèses existent. En 2006, le Dr Mennella du Monell Chemical Senses Center en Pennsylvanie, publiait un article dans Pediatrics suggérant que les variations génétiques d’un seul gène pouvait expliquer la sensibilité de certains individus à l’amertume ainsi que l’appétence pour les boissons et aliments sucrés. Idem pour la coriandre, un autre aliment polarisant, même chez lesadultes. Une étude avec 23andMe, une entreprise privée d’analyse génétique de Californie, a relié la perception du goût de la coriandre avec la mutation d’un seul nucléotide au sein d’un gène qui produit des molécules de l’olfaction. Ainsi, les gens frappés de cette mutation seraient plus sensibles au goût de terre ou de savon de la coriandre, ce qui provoquerait le dégoût de cet aromate.
Nos goûts sont-ils figés ? Outre cette base génétique, le dégoût peut être « appris », et donc « désappris ». Paul Rozin, professeur émérite de psychologie à l’Université de Pennsylvanie, suggère une relation évolutive à court et long terme entre l’humain et son alimentation. Il est possible de développer une aversion pour un aliment car notre cerveau l’a relié à une mauvaise expérience. Imaginons qu’une soirée moules ait été précédée par une petite entrée contenant des concombres contaminés de salmonelles. L’intoxication alimentaire qui suivra sera plus facilement associée à des mauvaises moules qu’à un concombre infecté. Ainsi, nous sommes conditionnés à nous méfier de certains aliments, particulièrement les aliments amers tels que le café, les olives et… les brocolis. Plus intéressant encore, l’Homme est le seul animal s’obstinant à manger des aliments qu’il trouve intrinsèquement désagréables. Rozin dira que les humains font plein de choses qu’ils trouvent dégoûtantes, il faut simplement oser le faire, comme plonger dans l’océan.
Agathe Franck