La production de viande est en boom mondial. L’amélioration du niveau de vie des pays en développement et l’augmentation de la population en sont des causes. L’élevage d’animaux constitue une des pratiques les plus gourmandes en eau et les plus polluantes. Un « retour » vers une alimentation plus végétale pourrait résoudre certaines problématiques.
Un bon steak au menu des classes aisées et des pommes de terre pour les classes ouvrières. Cette image peut sembler désuète et pourtant elle rapporte une réalité croissante. La consommation de viande reflète le niveau de vie des habitants. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) rapporte que la consommation de viande dans les pays développés, déjà élevée, est encore en augmentation. Dans les pays en développement, la production augmente elle aussi depuis les années 70. Cet essor répond aux besoins des consommateurs, rattrapant peu à peu celle des pays développés. Résultat : tout le monde mange de plus en plus de viande. Cette hausse a une autre explication. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (ou FAO pour Food and Agriculture Organisation) montre la corrélation entre l’accroissement de la population mondiale et l’augmentation de la quantité de viande produite. Plus il y a de personnes sur Terre, plus il faut les nourrir.
Une production de viande multipliée par 3, 7 ou 20 ?
Le Earth Policy Institute (EPI) signale que cette augmentation concerne tous les types de viandes. Entre 1950 et 2010, la production de boeuf est passée de 20 à 62 millions de tonnes (Mt) par an, de 16 à 108 Mt pour celle du porc, et celle de la volaille de 5 à 96 Mt. Cette hausse s’accompagne de l’envolée de la consommation en eau. Mekonnen et Hoekstra, deux chercheurs de l’UNESCO-IHE (institut travaillant sur l’éducation scientifique en rapport avec l’eau dans le monde) ont publié en 2010 une étude sur le coût en eau de différents élevages. Il faut 15 415 l pour produire 1 kg de viande de boeuf, 5 988 l pour 1 kg de porc et 4 325 l pour 1 kg de poulet.
28 ans pour boire l’eau nécessaire à produire 1 kg de bœuf
Pour produire 1 kg de boeuf, il faut l’équivalent d’une petite piscine, soit un peu plus de 10 000 bouteilles d’eau de 1,5 litre. C’est ce qu’un humain pourrait boire en 28 ans à raison d’une bouteille par jour. Mais que se cache derrière un tel volume d’eau ? Le Water Footprint Network (WFN) détaille le calcul de l’eau nécessaire pour qu’un boeuf atteigne 200 kg en 3 ans (âge d’abatage).
En additionnant l’eau que l’animal boit ; l’eau utilisée pour cultiver les 8 500 kg de grain qu’il mange et l’eau nécessaire à la gestion de la ferme, le résultat dépasse les trois millions de litres. Divisé par 200kg, ce sont bien 15 000 l/kg. Ces chiffres varient d’un pays, d’un élevage ou d’un animal à l’autre.
La moitié des émissions agricoles de gaz à effet de serre est due à l’élevage
La consommation d’eau vient essentiellement de l’agriculture pour nourrir l’animal. Derrière cela, se cachent tous les problèmes liés à la surexploitation agricole pour répondre à la demande croissante en viande. Le World Wide Fund for Nature (WWF) rapporte qu’il faut plus de 300 m² de terres arable pour produire un kilogramme de boeuf ainsi que son fourrage. Cela implique la déforestation de beaucoup de régions pour en faire des prairies. Ces surfaces nécessitent un entretien agricole et le passage récurrent de machines. Et qui dit entretien et machines, dit pesticides, pétrole et émissions de CO2. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié en 2015 que les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture étaient pour moitié causées par l’élevage : 5,8 milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an.
Le rapport de rentabilité entre production animale et végétale peut atteindre un ratio de 1 pour 30. Une ferme de bovins produirait environ 3 000 kg/km² de protéines en un an, alors qu’une culture de soja pourrait en produire un peu plus de 100 000 kg/km² sur la même durée.
Seulement 0,7% de l’eau mondiale disponible est douce
L’élevage d’animaux pose problème aujourd’hui dans le défi de l’alimentation. Comment allons-nous parvenir à nourrir tout le monde tout en évitant de gaspiller trop d’eau ? Le Centre d’information de l’eau (C.I.EAU) rappelle qu’en excluant les glaciers et les neiges permanentes, l’eau douce disponible ne représente que 0,7% de la totalité de l’eau présente sur notre planète. Avec des compléments alimentaires appropriés, les légumes peuvent nous apporter des nutriments équivalents à la viande, sans conséquence sur notre santé. Dans les années 1950, les français consommaient deux fois moins de viande, rapporte le ministère des solidarités et de la santé. Pourquoi ne pas restaurer la consommation de végétaux ? Consommer le grain destiné à l’alimentation du bœuf permettrait d’avoir 42 fois plus de nourriture par jour. Par ailleurs, les végétaux ont un coût en eau moins élevé que la viande, comme le démontre l’étude de Mekonnen et Hoekstra. Les insectes constituent également une alternative envisageable. Peu gourmands en eau, ils sont une excellente source de protéines. Il ne s’agit pas ici de prôner le « véganisme » ou dire que manger de la viande est un crime contre l’environnement. Le but est d’éveiller les consciences et faire en sorte que chacun fasse ses choix de consommation en connaissance de cause.