Mukbang : les gargantuas coréens

Ils s’appellent La Diva, mgain83, MBRO et cumulent des milliers d’abonnés sur Youtubes ou Instagram. Ces coréens sont les meneurs de file du phénomène Mukbang, un mouvement qui consiste à partager des vidéos de soi avalant des plats gargantuesques. «La société coréenne fait très attention à son apparence, les régimes y sont quotidiens. Le Mukbang c’est comme prendre un repas par procuration », explique Salomé, présidente de l’association Korehan P7. L’étudiante passionnée de culture coréenne, a découvert cette tendance culinaire il y a cinq ans. « Je regardais l’émission Starking – sorte « d’Incroyables talents » – et je me souviens qu’ils avaient fait venir une fille qui gagnait sa vie comme ça. Ça m’aintriguée», raconte-t-elle.

Née sur le site AfreecaTv, le Mukbang est devenu un métier, au même titre que les blogueuses beauté ou les influenceurs. La plateforme a rapidement développé un système de dons émis par le public sous formes de ballons. Le public plébiscite notamment les jolies filles qui parviennent à rester menues en se gavant de pizza et autres nouilles instantanées. « Ce qui marche c’est qu’elles entretiennent le mystère autour de leur minceur », confie Salomé. Paradoxalement l’apologie de la « mal bouffe » que pourrait engendrer le Mukbang, n’est pas révélateur des habitudes alimentaires en Corée. Le pays fait partie des moins touchés par l’obésité, avec seulement 5,3% d’obèses parmi sa population, contre 15,3% en France, et 38,2% aux Etats-Unis (rapport Cerin 2017). « L’apparence physique est une composante sociale très importante pour eux », révèle Salomé. « Ça compte par exemple à l’embauche, il peut y avoir des discriminations ».

Mais le véritable succès du Mukbang repose sur la notion de partage. Les réseaux sociaux représentent un médium qui décuple les possibilités de rendre accessible la moindre parcelle de vie privée. La nourriture n’échappe pas à cette logique. « La culture coréenne valorise le groupe. Être seul c’est mal vu, même quand il s’agit d’un repas. Ils préféreront manger par écrans interposés plutôt qu’en solo devant leur télé », explique Salomé. Une philosophie alimentaire à laquelle, Korehan P7, propose d’adhérer. Vendredi 30 mars l’association organisait une journée en l’honneur de la Corée. Au programme, préparation des mets traditionnels lors d’un atelier cuisine ouvert aux étudiants de Paris Diderot, avant qu’un grand buffet gratuit ne soit installé dans le hall C. Alors 좋은 식욕 à tous !

                                                                                                              Céline Berthenet