Les couteaux sont plus agressifs que les baguettes

« On se met à table pour manger, non pour découper des bêtes ». C’est le proverbe qui nous permet de comprendre pourquoi on mange avec des baguettes en Chine. Suivant la philosophie pacifiste de Bouddha, les couteaux sont laissés en cuisine, pour découper la nourriture en petits morceaux mangeables en une bouchée. Dans ce pays, il est très mal vu de servir à table une carcasse non découpée, au risque de passer pour un barbare. C’est l’image que les chinois ont du monde oriental avec ses couverts jugés dangereux et agressifs. Une légende raconte qu’en 1500, l’empereur craignant pour sa vie, fit interdire les fourchettes et les couteaux de ses sujets, obligés de se rabattre sur les baguettes en bambou. Une autre hypothèse propose qu’un impôt sur le fer ait contraint les habitants à s’équiper uniquement d’un wok et d’un couteau ; les autres ustensiles étaient en bambou ou en porcelaine. La médecine chinoise encouragerait d’ailleurs l’utilisation des baguettes, car celles-ci mobiliseraient plus de 30 articulations et 50 muscles répartis dans le bras et la main. Une tradition voudrait que le soir de noce, le jeune couple lance des baguettes par la fenêtre de la chambre pour favoriser la fertilité et la richesse. Plus réaliste, les baguettes en bambou auraient été utilisées pour retirer les aliments des bouillons brûlant en toute sécurité car le bambou est un bon isolant thermique.

Les légendes sur les origines des baguettes sont multiples et difficiles à vérifier pour la plupart. La réponse ne se trouvera pas au premier coup de baguette… magique.

Cependant, les baguettes en bambou sont devenues un enjeu environnemental. En 2013, on estime que la Chine a produit 80 milliards de paires de baguettes jetables, soit l’équivalent de 20 millions d’arbres selon le député chinois Bo Guangxin. Une production insuffisante face à la demande, puisqu’en 2011 la Chine a dû faire importer des baguettes « made in USA ». En 2006, une taxe de 5% était instaurée sur les baguettes afin d’encourager l’achat de baguettes réutilisables… apparemment sans succès.