Les pieds dans l’eau et la tête dans les nuages

Crédit photo : Marco Muscioni

Les milieux de vie aquatique et aérien sont souvent synonymes de frontières infranchissables pour de nombreux organismes. Cependant, certains d’entre eux ont la capacité de les transgresser. C’est le cas d’un fossile amphibie découvert en Mongolie répondant au doux nom d’Halszkaraptor escuilliei.

 

Halszkaraptor escuilliei, ce nom à l’allure barbare ne vous dit peut-être rien, pourtant pour de nombreux paléontologues, il est synonyme d’une grande découverte. Selon un article de Nature publié en décembre 2017, ce fossile originaire de Mongolie est l’unique représentant de son espèce. Son allure surprenante est digne d’un patchwork animalier : une mâchoire et des dents de crocodile, un long cou ressemblant à celui d’un cygne, des nageoires de pingouin, ainsi qu’une queue et des pattes robustes ayant une griffe en forme de faucille à l’instar des vélociraptors. Son parfait état de conservation et son aspect inédit ont déstabilisé les paléontologues. Curieux de vérifier l’authenticité de cet ancien organisme et de révéler toutes ses caractéristiques, le fossile a été placé dans le synchrotron de l’European Synchrotron Radiation Facility (ERSF) de Grenoble, une source importante de rayons X permettant d’explorer la matière.

Fossile de l’Halszkaraptor escuilliei à l’ESRF de Grenoble

Suite aux traitements des données de l’appareil, les chercheurs de l’ESRF ont mis en avant de nombreux caractères amphibies du Halszkaraptor, transcendant les milieux aquatique et terrestre. Le museau du dinosaure présente des capteurs sensoriels au niveau de la peau. Cette caractéristique observée chez les animaux marins contemporains ainsi que chez les crocodiles permet à ces animaux d’être sensibles à la moindre vibration et pression dans l’eau, et alors de détecter avec précision leurs proies dans les eaux troubles. Le Halszkaraptor possède de plus un bassin puissant, suggérant qu’il pouvait donner des coups vigoureux dans l’eau afin de se propulser. Ses membres antérieurs semblables à des ailes de manchot servaient de gouvernail ainsi qu’à son équilibre. Bon nageur, ce prédateur bipède était également bon coureur, capable de chasser sur la terre ferme grâce à ses deux pattes semblables à celles du Velociraptor. La chasse n’était pas sa seule motivation pour passer du temps sur terre, puisque d’après le paléontologue Don Henderdon, les dinosaures pondaient leurs œufs en dehors de l’eau. Les nombreuses aptitudes de ce tétrapode de 70 millions d’années font de lui un organisme hors norme pouvant s’affranchir de certaines limites biologiques qui pour d’autres représentent des frontières.

 

Guillaume Marchand