Lucas Wild est sourd de naissance. Sur sa chaîne YouTube Monsieur Wild, il s’exprime avec les mains pour raconter ses expériences et traiter les sujets qui lui tiennent à cœur. Lors de cet échange, Lucas nous en dit plus sur une langue utilisée en France par plus de 100 000 personnes, mais qui reste pourtant méconnue, la langue des signes.
Pour toi, qu’est-ce que la langue des signes et quelles sont ses particularités ?
La langue des signes est une langue à part entière ! Une langue en trois dimensions, 100 % visuelle, et unique qui permet de comprendre l’identité sourde. Les entendants ont souvent du mal à l’apprendre car ils ont toujours besoin d’entendre un son, alors qu’avec la langue des signes on communique avec les mains.
Elle a ses propres codes. Par exemple, il n’y a pas de genre comme le masculin ou le féminin. Par ailleurs, la conjugaison est originale, et il faut dire « hier » ou « demain » pour comprendre le temps utilisé. Les verbes sont alors placés à la fin de la phrase. La syntaxe est donc différente de celle du Français traditionnel mais il est possible de la traduire en conservant le sens.
Il est même possible de chanter avec la langue des signes. On appelle cette pratique le « chansigne ». Les chaînes YouTube Haut les mains LSF et Albaricate, ou encore la page Facebook Deux mains sur scène la mettent en avant. Il y a des artistes comme Adamo Sayad qui combinent danse hip hop et chansigne.
Y a-t-il une seule langue des signes dans le monde ?
Non, chaque pays a sa propre langue des signes, elle n’est pas universelle. En France, la langue des signes la plus parlée est celle française, la LSF. Chaque langue est influencée par la culture du pays dont elle provient. Il existe également une langue des signes internationale mais elle n’est pas officielle. Par conséquent, elle évolue rapidement dans le temps. Cette langue internationale est un mélange de différentes langues. La majorité des signes viennent de l’American Sign Language (ASL) et un peu de la LSF.
Comment évolue la langue des signes ?
C’est une question à laquelle il est difficile de répondre… Mais parfois, comme je le disais précédemment pour la langue des signes internationale, les signes changent avec le temps. De nouveaux mots apparaissent même, qui n’ont pas encore de signe officiel pour les traduire.
Par exemple, le mot « queer » est de plus en plus utilisé en France et pour l’instant on le signe comme en ASL. Mais un débat existe concernant ce mot. Certains sourds ne veulent pas copier et souhaitent créer un nouveau signe pour la LSF, d’autres ne sont pas d’accord parce qu’en français classique, on utilise un mot anglais.
Pour ma part, j’apprends les nouveaux signes grâce aux rencontres. Il y a encore des mots en LSF que je ne sais pas comment signer, comme vous, quand vous découvrez un nouveau mot et dont vous ne connaissez pas la définition !
Les entendants devraient-ils apprendre la langue des signes ?
Définitivement oui. Il est toujours utile de savoir pratiquer une nouvelle langue et surtout ça permet de se faire des amis sourds. Par ailleurs, apprendre la langue des signes permet de se rapprocher de la communauté sourde et de mieux comprendre que tous les sourds n’ont pas le même profil.
Personnellement, la langue des signes c’est ma langue maternelle. Je l’ai apprise grâce à une professeure/éducatrice spécialisée pour les sourds quand j’avais 3 ans. Mais les entendants peuvent prendre des cours de LSF dans des associations locales. Ils peuvent aussi apprendre par eux-mêmes sur YouTube. Cela peut paraître difficile mais pour acquérir les bases c’est parfait. Il faut d’abord apprendre la langue des signes nationale pour ensuite communiquer en utilisant la langue des signes internationale. Pour ça, il faut rencontrer les sourds d’origine étrangère et ce n’est pas évident les premiers jours, il faut beaucoup mimer.
La persévérance est indispensable !
Quelle est la place de la langue des signes aujourd’hui en France ?
La LSF est de plus en plus utilisée mais cette langue n’est toujours pas assez visible et reconnue dans le pays. Cela reste quand même une langue minoritaire malgré tout. C’est vrai que les cours de LSF coûtent cher et, comme n’importe quelle langue, une pratique régulière est nécessaire. Cependant, il est difficile de trouver facilement des personnes qui signent pour pouvoir s’entraîner. Selon moi, cette langue n’est pas assez accessible car insuffisamment reconnue.
Baptiste Gaborieau