Paris sans couronne(s)

Le déficit en arbres de la capitale française par rapport aux autres villes européennes est remarquable. Le nombre relativement faible d’espaces verts est source d’un haut taux de pollution et d’une hausse des températures. Pour bien réussir la transition écologique, la mairie et ses habitants se retroussent les manches pour planter des milliers de nouveaux voisins verts.

Dernière place : selon l’indice de verdissement urbain mis au point par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) – de Boston, la ville de Paris remporte la cuillère de bois, elle est la métropole la moins verte des 27 « global cities ».
L’étude prend en compte la surface des couronnes des arbres, soit la partie de l’arbre allant de la première branche jusqu’au sommet du tronc, que les passants – et l’œil de Google Street View – peuvent observer en marchant dans leur ville. Les parisiens profitent beaucoup moins de la nature que leurs voisins européens : 8,8 % de la surface urbaine est recouverte par les arbres par rapport aux 20 % d’Amsterdam, 21,7 % de Francfort ou encore 12,8 % de Londres.
L’indice du MIT, visible sur la page web Treepedia, se concentre sur différents rôles que tiennent les couronnes des arbres : la réduction de la pollution de l’air, l’augmentation de l’évaporation de l’eau et le rôle de barrière contre les rayonnements à ondes courtes.

La verdure revient : 40 000 nouveaux arbres

Mais est-ce que Paris traîne vraiment en ce qui concerne la « forêt urbaine » ? La plan climat 2050, développé par la mairie et publié en mai 2018, s’engage à réduire la pollution de l’air d’ici 20 ans, à mettre en place un système énergétique entièrement appuyé sur les énergies renouvelables et à planter 40 000 nouveaux arbres.
L’objectif est ambitieux. D’autant que l’indice de verdissement présente un caractère supplémentaire : les surfaces vertes et les parcs ne sont pas pris en compte. Ce qui, en somme, représente une vraie limite pour une ville comme Paris. Et c’est sans compter la densité de population de la métropole qui est 5 fois plus grande que celle de Londres et 7 fois plus que Francfort avec de 21 000 habitants par km2.
Paris se distingue donc à la fois par son manque d’espaces verts et par sa grande densité de population. On peut le voir lorsqu’on jette un œil à la carte du métro : le jaune des bâtiments domine la palette des couleurs. Avec pour seules exceptions les tâches vertes du Jardin du Luxembourg, du Parc des Buttes Chaumont et celui de Montsouris. Les seules grandes surfaces vertes se trouvent à deux extrémités de la ville : le Bois de Boulogne à l’ouest et le bois de Vincennes à l’est.
Elles mesurent respectivement 995 et 846 hectares, ont été achetées par la ville de Paris à Napoléon III dans la deuxième moitié du XIXe siècle et sont passées définitivement sous le contrôle administratif dans les années 1920 !
L’objectif de cette acquisition était de pouvoir offrir à la population parisienne des espaces naturels pour se détendre et pour améliorer leurs conditions de vie. Le même objectif qui est aujourd’hui poursuivi par les différents acteurs de la ville.

D’un côté la Mairie qui doit faire face à une forte disproportion de la répartition des arbres, avec notamment le XVe arrondissement, possédant autant d’arbres que l’ensemble des sept premiers arrondissements de la ville . De l’autre, les citoyens, qui sont encouragés à planter sur leurs toits et dans les jardins privés des nouveaux arbres, dans le respect de la biodiversité locale. Sur le site végétalisons.fr, Paris recueille tous les projets atteignant aujourd’hui le nombre de 1251, et visant à transformer la ville en une véritable capitale verte dans le panorama mondial.
L’objectif est de combler le fossé entre Paris et les autres capitales européennes : 320 000, c’est le nombre d’arbres à Rome, 433 000 à Berlin. Oui mais comment ? Un des projets est particulièrement intéressant : la « forêt linéaire ».

Le forêt linéaire

Un projet plus ambitieux est représenté par la « forêt linéaire », située dans le nord-est de Paris. Cet espace d’environ 11 km2 suit le parcours du périphérique. Longtemps considérée comme une frontière indissociable entre Paris et les communes alentours, ce serpent gris a été l’objet de nombreux changements urbains ces dernières années. Le tramway a eu un rôle de charnière. Tout au long du parcours du tramway, des tranches d’arbres ont été plantés.
Au bout nord-est de la ligne 3b, près de la porte d’Aubervilliers, commence cette « forêt linéaire », créée en 2014. Elle va s’agrandir jusqu’au Canal Saint-Denis dès le printemps 2019. Une partie sera accessible au public, avec des pistes cyclables et des sentiers, une autre, la « forêt surélevée » ne sera pas accessible afin de protéger les espèces animales et végétales et favoriser le développement de la biodiversité.
Un facteur qui prend une place de plus en plus grand dans les cœurs et les espaces des parisiens. À côté de la forêt linéaire, dans le XXe arrondissement, les habitants ont planté en mars de cette année 1200 arbres sur 400m2 en changeant complètement l’image du quartier. Et ce changement est visible partout : la végétalisation floreale des pieds d’arbres, l’installation de ruches sur les toits des bâtiments et les jardins verticaux le long des murs et sur les balcons. Non seulement un profit du point de vue esthétique mais aussi un véritable aide pour les abeilles et autres espèces d’insectes.
En 30 ans, Paris aura-t-elle finalement planté la cuillère de bois pour en faire pousser une forêt urbaine ?

Daniel Peyronel