Le désert a bien failli faire disparaître le petit village de Gourga de la carte du Burkina Faso. Yacouba Sawadogo est l’homme qui outrepassa les lois de la nature pour ramener la forêt à son pays d’enfance. Un travail de plus de 40 ans qui a ému la communauté mondiale et qui a été récompensé en septembre dernier par le prix Nobel alternatif.
Batman et Superman résonnent pour tous comme des héros de science-fiction qui ont bercé notre enfance, animé nos soirées télé ou nos lectures de bandes dessinées. Cependant, il est des héros qui vivent dans notre monde et dont nous ne parlons pas assez. Je vous propose de découvrir l’histoire d’un homme, qui stoppa le désert à la force de ses bras. Oui, rien que ça.
Né au Burkina Faso dans la région semi-désertique du Sahel, Yacouba Sawadogo a grandi au sein d’une école religieuse. Dans un contexte de forte malnutrition, les hommes peinaient déjà, dès l’enfance, à subvenir à leurs besoins alimentaires ainsi qu’à ceux de leur propre famille.
Arrivé à l’âge adulte, Yacouba devint paysan. Au début des années 1970, il décida de se rendre dans la région du Yatenga pour se lancer dans un vaste travail : réhabiliter les sols dégradés par les épisodes réguliers de sécheresse. Le Burkinabè se trouvait alors devant un féroce adversaire : la désertification, principale coupable des épisodes de famines récurrents, et contre laquelle les populations n’ont pu faire face. Un défi de taille qui ne le rebutait en aucun cas.
Yacouba Sawadogo débuta son travail agricole dès la saison sèche pour préparer l’arrivée de la saison humide, période cruciale pour la récolte d’eau dans les terres. Ainsi, il eut recours à des méthodes d’agriculture ancestrales et simples qu’il adapta et améliora au fil de ses expériences.
L’une de ses pratiques consistait à réaliser de larges trous et de les remplir avec du fumier et quelques détritus. Mais ce qui est d’autant plus intéressant, et qu’ignorait au départ Yacouba, c’est qu’il recruta un allié précieux : le termite. Il faut savoir que ces charmantes petites bêtes sont très attirées par le fumier et utilisent les précédents trous pour faire pousser les champignons dont ils se nourrissent. Par ailleurs, ces insectes sont d’autant plus impressionnants qu’ils ont tendance à créer de vastes réseaux souterrains de communication. Un phénomène qui servira l’un des objectifs principaux du paysan : la fertilité des sols ainsi que leur enrichissement en eau. La deuxième technique consistait à construire des « cordons pierreux », de simples petits murets visant à retenir l’eau des pluies dans les champs.
« Si nous prenons soin de notre planète, il nous est possible d’obtenir n’importe quoi d’elle »
Lors de la mise en œuvre de son travail, personne ne soutenait Yacouba (ni même sa propre famille), et tout le monde pensait qu’il avait perdu la tête. Mais à force de persévérance, l’homme que l’on croyait être « l’idiot du village », réussit l’improbable. Le désert laissa place à la forêt, une démonstration sans précédent de l’alliance entre le végétal et l’animal. 40 ans après le début de ses travaux, de nouvelles espèces d’oiseaux se sont installées dans cette nouvelle niche écologique, important elles-mêmes de nouvelles graines d’arbres. La zone forestière couvre aujourd’hui l’équivalent de 25 hectares de terrain, sources de services écologiques multiples. L’arrivée des arbres a apporté de l’ombre et remonté la nappe phréatique en retenant l’eau au sein du sol.
Le travail de Yacouba a donc porté ses fruits, permettant aujourd’hui de nourrir l’ensemble du village de Gourga et de sauver le Niger de la famine. Ses méthodes d’agriculture sont désormais enseignées à travers tout le Sahel et ne cessent de surprendre le monde entier par leur prouesse. En termes d’écologie, elles représentent en effet une réelle révolution puisqu’elles s’affranchissent des produits chimiques qui « détruisent les sols et qui ne devraient pas être utilisés » selon l’homme.
« Tout part de la terre »
Une avancée qui n’a donc pas laissé indifférent la communauté internationale puisque le Right Livelihood Award, plus connu sous le nom de prix Nobel alternatif, lui a été remis à Stockholm cette année pour son combat face à l’avancée du désert. Bien qu’un vaste projet immobilier semble menacer le fruit de ses prouesses, Yacouba Sawadogo compte bien protéger ses terres aux côtés des partisans de son mouvement. « Tout ce que j’espère c’est d’être capable de protéger ma forêt… Mon but est que mon travail soit vecteur de connaissances pour les gens, les nourrissent et leur permette de maintenir une bonne santé. »
Corentin Mathé-Deletang