Les trois belles

Quand des femmes signent des tribunes sur « la liberté d’importuner » alors que d’autres lancent des #metoo ou #balancetonporc, il est légitime de réfléchir à ce qui a initié ce clivage. L’histoire de la condition sexuelle est mêlée aux changement sociaux amenés par l’histoire, la culture, la politique, l’art.. Cet article n’est pas directement dévolu au féminisme, il est une courte rétrospective sur la place qu’ont occupé la femme, l’homme et le sexe.

Chaque nuit, le Ciel enveloppait la Terre pour s’accoupler avec elle. Les enfants conçus par leurs nombreux rapports sont restés longtemps cachés dans les entrailles de la Terre, jusqu’au jour où Temps, le plus jeune de la progéniture, sectionna les parties génitales de son père, se libérant lui-même ainsi que ses frères. De son pénis naquit Aphrodite, déesse de l’Amour. Dans la mythologie grecque, le sexe est à l’origine de la création.

Ma dulcinée, laissez-moi vous être infidèle

Dans la Grèce antique, l’homme idéal est fort, viril, actif. De la femme passive, propriété de son mari, l’homme célèbre le pouvoir de concevoir et de donner la vie. Le sexe devient un plaisir, surtout quand pratiqué avec des prostituées. Les relations sont aussi un outil pédagogique : les hommes adultes instruisaient les jeunes, à partir de l’âge de 12 ans, et l’histoire d’amour faisait partie du processus d’enseignement.

La culture romaine à bien des égards est en continuité avec la grecque. À cette époque, pudeur et style de vie libertin s’entremêlent. D’une part, les femmes ne peuvent pas être touchées dans les lieux publics, de l’autre, un homme devait embrasser sa femme au moins une fois par jour, non par amour, mais pour la contrôler. Il vérifiait qu’elle n’avait pas bu d’alcool, qui en la désinhibant, aurait pu encourager un comportement adultère. La femme, au cours de sa vie, pouvait avoir des rapports sexuels qu’avec son mari, et ils n’étaient pas forcément passionnés car visant uniquement la procréation. Les hommes fréquentaient par contre régulièrement des prostituées et des esclaves.

Elle porte en elle le péché originel

À l’origine, était le Verbe. Un Dieu ayant toujours existé, avant le temps et l’espace, et qui a créé l’univers. Le sexe, dans la religion chrétienne, ayant acquis une importance extraordinaire au Moyen Âge, représente le péché originel, la raison pour laquelle les Hommes ont abandonné le paradis. L’Église cherchait à limiter les relations à la procréation, introduisant un sentiment de péché et de culpabilité vis-à-vis de la sexualité, plus profond que la morale latine. À la fin de l’empire romain, l’homosexualité a commencé à être considérée comme un péché, et la religion chrétienne a établi une série de jours où le sexe était interdit. Le noble amour courtois des contes médiévaux ne correspond guère à la réalité de l’époque, dont on sait en réalité très peu.

J’irai cueillir la fleur d’amour

À la fin du XVe siècle, se profile une période connue pour ses tableaux, ses châteaux et ses monarques. La Renaissance a été le témoin de l’arrivée marquée des femmes dans la vie littéraire et scientifique, ainsi que du retour à l’Antiquité qui prône l’hédonisme et la célébration des courbes féminines dans l’art. Plus que jamais, la femme est un symbole de sensualité et l’image pieuse qui lui collait à la peau est délaissée. Toilettes et atours libèrent la poitrine, le cou, les épaules… La femme est nue sur les peintures, nue dans le marbre. Lucrèce Borgia, Vénus, Agnès Sorel, Diane de Poitiers… représentent alors le plaisir sexuel qui se dévêtit petit à petit de son manteau honteux.

Détourner mes yeux du Dieu éternel

En France, la cour des Bourbons, bien que décadente et épicurienne, remet au centre de la vie mondaine la religion et le pouvoir que Dieu confère au roi. La figure pieuse qu’était Madame de Maintenon en est un exemple. Une femme aimée du roi pour son esprit et sa pudeur, un modèle. La transition se fait dans le changement social qui va aboutir à la Révolution Française et dans l’intimité des salons. Le siècle des Lumières marque le début d’une démocratisation du pouvoir et des savoirs qui voit les femmes se réunir pour parler science et littérature. Les précieuses ne sont pas que dans Molière, mais sont également des figures comme Émilie du Châtelet ou Olympe de Gouge, qui se libérèrent et s’émancipèrent par l’exercice de leur esprit et non pas par le corps.

Un oiseau qui étend ses ailes pour s’envoler

Le Mouvement pour la libération des femmes (MLF) participe à l’effervescence des années 70, se politise et se radicalise. Il laisse émerger un nouveau féminisme. Il prend un autre tournant et innove : les femmes sont dans la rue et crient. Cet engagement inclut le corps comme objet de lutte et non de désir. Mai 68 lui sert de levier et s’appuie sur les courants de pensée qui font entendre qu’un homme sur deux est une femme ».

La femme n’a pas seulement conquis juridiquement les mêmes droits que son homologue masculin, elle a aussi changé son image et c’est par cela que la libération sexuelle se fait.

Camilla de Fazio & Juliette Dunglas