Quel mal y aurait-il à se prendre pour une déesse ? La nymphomanie est un terme péjoratif apparu au XIXe siècle pour désigner les femme atteintes d’un appétit sexuel jugé maladif pour l’époque. Pourtant, l’étymologie de cette maladie demeure délicate et empreinte d’un certain sexisme. Notons qu’il s’agit de la seule manie au féminin par défaut (une nymphomane mais un cleptomane, un pyromane, un mégalomane, etc) et qu’il n’y a pas réellement d’équivalent pour les hommes. Le mot est formé du grec númphê (« nymphe ») et manía (« folie »). Deux interprétations sont possibles : le terme « Nymphe » désignant la divinité de la nature, auquel cas, la nymphomanie désignerait les femmes qui se prennent pour ces déesses. Ou alors, « nymphe » comme nom commun, désignant une jeune femme vierge, sur le point de se marier. Dans ce cas là, il s’agit d’un mot présageant un changement symbolique vers l’âge adulte, de la même façon que nous parlons de nymphe pour désigner la dernière étape de la métamorphose des insectes avant l’imago (stade final de développement d’un insecte). Dans les deux cas, la nymphomanie est la seule à désigner étymologiquement le malade plutôt que le sujet de la maladie. Car si nous suivons la logique : le pyromane est obsédé par le feu, le mélomane par la musique, le toxicomane par les substances comme le tabac, la nymphomane… par les autres femmes ? Quelque chose cloche, puisque ce terme désignait à l’époque victorienne les femmes qui se masturbaient, qui multipliaient les amants, qui avaient des pratiques sexuelles en dehors de la norme procréative, mais pas nécessairement les femmes lesbiennes. Pour soigner ce « trouble », le traitement pouvait consister en un massage du sexe de la femme avec un vibromasseur afin de libérer les mauvaises tensions, leurs orgasmes confirmant leur prétendue pathologie. Mais en guise de traitement, les femmes pouvaient subir jusqu’à l’ablation des ovaires, de l’utérus voire l’excision. C’était la mode du moment : quand une partie du corps posait problème, on l’enlevait, au même titre que les lobotomies soignaient les maladies psychiques. Aujourd’hui, on parle plutôt d’addiction au sexe ou d’hypersexualité, aussi bien chez l’homme que la femme, le terme de nymphomane étant tombé un peu dans la désuétude et dans le registre grivois. Espérons qu’un jour, il désigne correctement les femmes qui, suffisamment confiantes et émancipées, se sont prises pour des déesses. Who run the world ? Girls!
Antonin Cabioc’h