Mer fermée, mer damnée

Des réfugies sur un bateau traversent la mer Méditerranée entre la Turquie et l'île grecque de Lesbos, le 29 janvier 2016 © Callmonikm // Flickr (CC BY 2.0)

Les eaux les plus dangereuses au monde

15 000 morts en cinq ans : le bilan des migrants morts dans la Mer Méditerranée. Les chiffres proviennent de l’Organisation internationale pour la migration (OIM). Les vies appartenaient à des migrants provenant de Syrie, de l’Erythrée, du Sénégal, du Tchad, de la Libye et de nombreux autres pays dont les conditions de vie sont menacées par la guerre, la répression des diversités, la pauvreté. La Méditerranée submerge les corps de plus de la moitié des migrants perdant leur vie en route dans le monde entier. Un triste record. 

Infographie des flux migratoires en méditerranée. © Daniel Peyronel
Infographie des flux migratoires en méditerranée. © Daniel Peyronel

“Frontexas” : quand la mer est le plus efficace des murs

Pendant la même période, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) a vu son budget doubler : de 143 millions d’euros (2015) à 322 millions d’euros à l’aube de 2020. Mais l’action de Frontex est limitée en ce qui concerne les opérations de recherche et de sauvetage des migrants en péril.

Bien que le droit international oblige tout vaisseau à sauver les personnes qui risquent leur vie en mer, l’Agence affiche comme mission principale celle de « sauvegarder l’espace de liberté, de sécurité et de justice, en contribuant à garantir un espace de libre circulation sans contrôles aux frontières intérieures de l’Europe  ». Frontex protège d’abord l’espace européen de Schengen, puis les vies des migrants en pleine mer.

Sécuriser les routes, sécuriser les vies

Le manque de voies d’entrée sûres et légales en Europe  pour les migrants et les demandeurs d’asile est la problématique principale, rappelle le Conseil européen pour les relations internationales (ECFR). Seule une alternative aux routes méditerranéennes peut empêcher que le nombre de morts augmente. Bien que les causes directes soient les conditions des bateaux et de voyage dépréciables liées à l’intérêt criminel des passeurs, la réponse sécuritaire et enfermée européenne n’est pas suffisante.

Le barrage d’une route ne fait qu’augmenter le flux sur une autre, comme le démontrent les chiffres emblématiques de Frontex. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) demande aux Etats européens de ne pas empêcher les opérations de sauvetage des ONG – depuis l’arrêt de l’opération militaire italienne Mare Nostrum – les premiers à répondre aux secours et  d’organiser les flux en amont pour que les migrants ne risquent pas plus en route que dans leur pays d’origine. La Mer Méditerranée doit cesser de tuer. 

Daniel Peyronel